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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons
Autoren: Marie-Paul Armand
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bien. Elle m’apportait
sa légèreté, son insouciance, et la continuelle tristesse qui pesait sur mon
cœur depuis la mort de Charles était, pour un instant, moins lourde à porter.
     
    Un nouveau problème obscurcissait la vie des mineurs. Les
stocks de charbon s’accumulaient : le transport en revenait trop cher. Il
était de plus en plus question de fermeture des puits. La crainte du chômage
sévissait.
    — Le problème, expliquait Jean, soucieux, c’est
qu’il y a d’autres sources d’énergie. L’électricité, et le pétrole… Même nous, au
fond de la mine, nous utilisons des locomotives Diesel, pour tirer les berlines !
    Elles remplaçaient les chevaux, et je repensais, parfois, à
Tiennou, le cheval pour qui mon père, chaque jour, emportait un morceau de
sucre. Il n’y avait plus de « cafus », non plus. Le charbon, m’avait
expliqué Jean, était trié automatiquement. Un détecteur interceptait tout ce
qui était étranger à la houille. Je pensais à mon amie Marie, à ses mains
gercées sur lesquelles je l’avais vue pleurer tant de fois, quand elle
travaillait au criblage.
    — Il faut se battre, me disait Jean, contre les
projets de fermeture des puits. Les mineurs les acceptent très mal. Il y a dix
ans, après la guerre, on les a appelés à l’aide, et maintenant, on cherche à
leur faire croire qu’ils sont
inutiles !
    Ce fut à cette époque qu’un autre problème, plus personnel, rendit
celui-là secondaire.
    Tout commença, pour moi, un dimanche. Je faisais la
vaisselle avec Marcelle, dans sa cuisine. Jean, dans la salle à manger, devant
son poste de télévision, regardait les sports. J’essuyais les assiettes que
Marcelle lavait lorsque, subitement, elle se mit à pleurer. J’avais déjà
remarqué, en arrivant le matin, qu’elle avait les yeux rougis, mais je n’avais
rien dit, ne voulant pas être indiscrète. Et là, sans prévenir, elle fondit en
larmes, se laissa tomber sur une chaise et continua à pleurer, la tête dans les
bras.
    Sur le moment, interdite, je ne sus que faire. Je posai mon
torchon, m’approchai de Marcelle, caressai ses cheveux :
    — Marcelle, ma petite fille… dis-je tout bas. Qu’y
a-t-il ? Tu es malheureuse ? Puis-je faire quelque chose ?
    Elle releva son visage mouillé de larmes, me regarda avec
impuissance :
    — Non, oh, non, tu ne peux rien faire… Et moi, je
n’en peux plus !
    Elle se remit à pleurer. Indécise, malheureuse, je ne
comprenais pas.
    — Mais… dis-je de nouveau, que se passe-t-il ?
C’est à cause de Jean ? de moi ?
    Elle secouait la tête en signe de dénégation. Je passai un
bras autour de ses épaules, l’attirai à moi :
    — Ne veux-tu pas me dire ce qu’il y a ?
    Elle hésita un instant, et puis, d’un seul coup, se décida. Les
lèvres tremblantes, elle dit :
    — Il y a si longtemps que j’attends… Ça va faire
sept ans que nous sommes mariés, et nous n’avons toujours pas d’enfant ! Depuis
sept ans, chaque mois je suis déçue ! Peut-être suis-je incapable d’en
avoir ?…
    Son regard, levé vers moi, était un appel au secours. Je ne
savais pas quoi dire pour la consoler, pour la rassurer.
    — Tu comprends, continua-t-elle, Jean est
malheureux, aussi. Il désire avoir beaucoup d’enfants, il me l’a toujours dit. Et
maintenant… maintenant, il n’en parle plus !
    Elle reprit plus bas :
    — Nous sommes allés voir le médecin, tous les
deux, il y a un an. Il a confirmé qu’il n’y avait rien d’anormal, qu’il
suffisait d’attendre. Mais je n’en peux plus, d’attendre ! C’est toujours
en vain !…
    Elle enfouit son visage dans ma poitrine et, de nouveau, se
mit à pleurer. Je la berçai contre moi, souffrant avec elle de son chagrin. Je
la comprenais. Je m’imaginais, à sa place, espérant, chaque mois, avoir la
confirmation d’attendre enfin cet enfant tant désiré, et devant faire face, chaque
mois, à la même cruelle déception. Je savais ce qu’elle éprouvait. Moi aussi, j’avais
souffert de n’avoir pas d’enfant de Charles. Mais moi, j’avais déjà Jean, ce n’était
pas pareil. Et, comme Marcelle, je souhaitais que mon fils pût, à son tour, avoir
des enfants.
    Si le médecin l’avait dit, rien n’était perdu. Je lui
recommandai de ne pas se décourager, de ne pas y penser sans cesse, de ne pas
en faire une obsession. J’étais malheureuse pour elle, et d’autant plus
malheureuse que je comprenais que je ne pouvais
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