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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres
Autoren: Mireille Calmel
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gâcher son sommeil. Corneille le savait. De quel droit se permettait-il de déranger sa maisonnée, et d’envoyer son domestique le secouer ? Qu’il fût accompagné ou pas n’y changerait rien. Il allait lui dire sa façon de penser. Et plus encore !
    Claude de Forbin enfila un peignoir, le teint plus rouge qu’une écrevisse, sortit en fureur de sa chambre, dévala les escaliers et prit le corridor du rez-de-chaussée pour gagner le petit salon où Jacques avait dirigé ces importuns. Depuis le temps que l’envie le démangeait de corriger Corneille, il n’allait pas laisser passer ce prétexte ! Ce serait toujours ça de gagné !
    Recroquevillé dans sa colère, il ne vit donc que lui, planté devant une console, mains croisées dans le dos.
    — Pardonnez-moi, capitaine, commença Corneille.
    Forbin lui envoya son poing en pleine face avant qu’il ait eu le temps de continuer.
    — Bonne mère ! Ça fait du bien ! s’exclama-t-il en guise d’excuse, sa fureur soudainement retombée.
    Corneille, le regard noir et le nez sanguinolent, se contenta, pour tout commentaire, de tendre son doigt vers le sofa où Junior ouvrait grands ses yeux, à côté de sa mère, amusée.
    — Décidément, mon capitaine, jeta-t-elle en riant, tu n’as vraiment pas changé !
    — Qu’est-ce que… ?
    Mary se leva et s’avança pour laisser la lueur des chandelles dévoiler ses traits.
    — S’il y a quelqu’un ici que tu dois punir, c’est moi. Pas lui. Mais réfléchis bien, je sais toujours me servir d’une épée.
    Forbin écarquilla les yeux, incrédule.
    — C’est bien moi, mon capitaine. Mary Read qui vient se rappeler à ton amitié.
    — Mary ! réalisa enfin Forbin.
    Et aussi rapidement qu’il avait été enclin à frapper, il l’enlaça à l’étouffer. Mary se laissa aborder, rassérénée par cette exubérance qui effaçait le temps passé. Elle ne fut pourtant pas du goût de Junior, rouge de fureur, qui bondit, son poignard au poing, en hurlant :
    — Lâche ma mère tout de suite, ou je vais te saigner.
    Forbin s’écarta aussitôt de Mary qui pouffait.
    — Bon sang ! Mais qu’est-ce que c’est que ça ?
    Junior enroula un bras protecteur et possessif autour de la jambe de sa mère. Il toisa Forbin d’un regard furieux et de son poignard dressé :
    — Ça, c’est Junior ! Et t’avise pas de recommencer.
    Pour un peu, Corneille l’aurait embrassé !
    — Je vois, Mary Read, déclara Forbin, amusé par la détermination de l’enfant, que tu as beaucoup de choses à me raconter.
     
    Un long moment plus tard, ils se trouvaient tous les trois confortablement assis, leurs fauteuils rapprochés pour permettre un échange discret. Junior, vaincu par la fatigue, dormait comme un jeune chiot. Le parfum des dernières roses du jardin qui se mouraient sur une console avait cédé la place à celui du tabac exhalé par les pipes que Corneille, Forbin et Mary avaient allumées, le récit de celle-ci achevé. Une liqueur de farigoule tournoyait dans leurs verres, chauffée par la paume de leurs mains.
    — Je ne peux retarder mon départ, déclara Forbin. Mes ordres à prendre ne sont pas la vraie raison de mon voyage à Paris. J’ai quelque souci avec une dame qui prétend me contraindre à l’épouser sur de fausses rumeurs de grossesse et qui est prête pour cela à me faire procès. L’affaire est arrivée aux oreilles de mon ministre, qui en aurait ri si M me  de Maintenon ne s’était pas offusquée de ma légèreté. Je sais qu’on attend de moi des explications.
    — Je comprends, assura Mary en souriant de connivence. Tu n’as toujours aucune envie de te marier.
    Forbin la couvrit d’un œil brûlant.
    — Cette dame de Castillon est franchement loin de posséder tes attraits.
    — Que faisons-nous pour Tom ? demanda Corneille, que leur complicité retrouvée égratignait.
    — Amène-le ici, répondit Forbin sans hésiter, et enferme-le dans la cave. Je ne doute pas que vous saurez le faire parler. Je vais laisser des consignes à Jacques, mon intendant. Il m’est totalement dévoué, sa famille étant au service de la mienne depuis de nombreuses générations. Il sera ravi de vous aider. Tu es ici chez toi, Mary, ajouta Forbin en lui prenant les mains. Je suis un homme de parole et je te l’avais promis autrefois. Quoi que tu fasses, tu pourras toujours compter sur moi.
    — Et pour Junior ?
    — Il me servira d’échanson sur La Perle et
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