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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres
Autoren: Mireille Calmel
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à Junior.
    Talonné par sa cavalière, l’animal les emportait. Le notaire secoua la tête, s’attarda un moment sur ce nuage de poussière soulevé par le galop du cheval en songeant au triste destin de la famille Olgersen, puis s’en fut donner un ultime tour de clé à la porte de l’auberge des Trois Fers à cheval.
     
    *
     
    Emma de Mortefontaine déplaça une mèche de cheveux collée par la sueur sur le front d’Ann Mary Olgersen. Comme chaque nuit depuis qu’Emma lui avait imposé ce voyage, la fillette dormait les sourcils froncés, geignant souvent, pleurant et hurlant parfois. Cela contrastait avec son apathie de la journée.
    Ann ne parlait plus, mangeait à peine, obéissant seulement à son instinct de survie dans lequel Emma reconnut le caractère de Mary. Elle n’avait pas de regrets pourtant. Malgré le chaos qui régnait dans l’esprit de l’enfant.
    La mort de Niklaus Olgersen lui avait fait du bien. Un bien immense, inconcevable. Comme si ce sang dont elle avait été éclaboussée, ce hurlement qu’avait poussé l’enfant l’avaient lavée de sa souffrance.
    De jour en jour, elle s’en sentait ragaillardie. Elle savait que Mary ne fuirait plus, désormais. Qu’elle n’aurait de cesse de la rejoindre et que leur duel serait à la mesure de la passion qui l’avait déchirée. Cette fois encore, Mary aurait le choix : accepter de se soumettre et retrouver sa fille. Ou mourir et la lui abandonner à jamais.
    Emma ne voulait pas tuer l’enfant. Elle n’avait pas de descendance. Celle de Mary la comblerait. Que cette dernière décide ou non de partager ses rêves de puissance.
     
    On frappa à la porte de sa cabine, discrètement, et Emma abandonna Ann à ses cauchemars. Elle ouvrit pour laisser George entrer.
    — Nous sommes en vue des côtes irlandaises, annonça-t-il à voix basse.
    — Bien.
    Il s’apprêtait à sortir lorsque Emma le retint par le bras.
    — Reste. J’ai envie d’amour.
    Indifférent à l’enfant qui dormait, George s’empressa de la satisfaire.
     
    Ann s’éveilla brusquement en entendant gémir la méchante dame. Dans un réflexe, elle se recroquevilla en boule et plaqua ses petites mains sur ses oreilles en mordant ses lèvres pour ne pas crier. Elle plissa fort ses paupières emplies de larmes, conservant encore dans sa mémoire brisée la voix de son père qui lui ordonnait de ne pas bouger.
     
    *
     
    Emma de Mortefontaine s’avança d’un pas léger dans la cour carrée et sinistre de la prison de la ville de Kinsale. Elle était rayonnante de satisfaction et de plaisir.
    Elle avait tout d’abord envisagé de confier la garde d’Ann à Kellian et Edward, ses domestiques irlandais, mais la fillette était si effrayée de sa présence qu’elle jugea préférable de la tenir éloignée d’elle quelques années. Le temps que ce traumatisme passe, l’endurcisse et lui permette de revenir à ses côtés. Le temps aussi pour Mary Read de s’aliéner à ses caresses dans l’espoir de revoir sa fille un jour.
    A peine débarquée, elle avait présenté Ann à ses gens comme l’enfant d’une parente, choquée profondément par la mort violente de sa famille, leur donnant l’ordre de ne pas la brusquer ni l’interroger. Kellian fut parfaite de douceur et de gentillesse. Ann lui obéit sans se plaindre.
    Apprenant d’Edward les dernières nouvelles du comté, une idée était venue à Emma.
    William Cormac et sa maîtresse Marie Brenan étaient tous deux incarcérés. Une demande de divorce était en cours contre le premier, tandis que la seconde avait été condamnée à l’exil, dans les Indes occidentales. Pour comble de malheur, elle avait perdu dans la froideur du cachot où on l’avait jetée l’enfant de Cormac.
    Emma avait doublement à s’en réjouir.
    Non seulement elle venait de venger son orgueil trop longtemps bafoué, mais elle se voyait dotée, par un bel esprit d’initiative, de la solution à son dilemme.
     
    — Bonjour, William.
    Cormac redressa cette tête qu’il s’obstinait à garder courbée sur ses souliers vernis, abîmés depuis un mois par l’humidité de sa cellule. Assis sur le lit, il paraissait misérable et brisé. Sa geôle empestait malgré l’air froid qui y pénétrait par la fenêtre, sans carreaux. Les barreaux qui les remplaçaient ne servaient qu’à briser le vent qui sifflait.
    Malgré le respect que les gardiens lui manifestaient, ceux-ci ne se risquaient pas à adoucir sa sentence.
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