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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres
Autoren: Mireille Calmel
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deux se penchèrent en avant, mains sur les cuisses pour reprendre leur souffle, dans un bel ensemble. Comme ils se redressaient, leurs regards s’accrochèrent. Relâchant d’un coup cette tension qui les avait poussés, ils pouffèrent de rire, comme après une bonne farce. Mary l’attira sur son cœur.
    — Allez, viens, je vais te raconter.
    Chemin faisant vers leur auberge, elle lui expliqua ses craintes pour mieux l’en protéger.
     
    — Qu’est-ce qu’on va faire, maman ? demanda Junior, tandis qu’à l’abri de leur chambre, Mary vérifiait la réserve de poudre de son pistolet.
    — Toi, tu vas m’attendre ici, décréta-t-elle en s’agenouillant devant lui. Et moi, je vais aller régler son compte à ce traître. Ensuite, nous aviserons.
    — Et s’il t’arrivait quelque chose ? continua Junior en serrant ses petits poings.
    Mary l’empoigna par les épaules et l’obligea à la fixer.
    — Alors tu devras survivre pour nous venger. Mais tu ne dois pas t’inquiéter, mon fils, je reviendrai.
    Junior hocha la tête et la regarda partir, se réconfortant à l’idée que sa mère ne mentait jamais.
     
    Ayant fait le chemin inverse, Mary ne pénétra pas dans le cabaret, s’assurant seulement par une des fenêtres que Corneille s’y trouvait toujours. Il semblait nettement moins gai et vidait verre sur verre. Le cœur de Mary se serra. De joie et de douleur mêlées. Abruti par l’alcool, il serait plus facile à maîtriser.
    Elle s’écarta de la croisée, rabattit son chapeau sur ses yeux et s’assit sur les pavés de la rue, à côté d’un miséreux qui ronflait.
    Face à elle un navire était à quai, et des matelots s’affairaient à descendre avec un palan plusieurs caisses prisonnières d’un filet. Des parfums d’embruns et d’épices se mélangeaient.
    À gauche, fermant la jetée, la bâtisse d’entrée de l’arsenal grouillait de gens perruqués et bien mis. Forbin, tôt ou tard, serait de ceux-là. Quel rôle avait-il joué dans toute cette histoire ? Était-il complice d’Emma et de Corneille ? Mary refusait de le croire. Autrefois, Forbin n’aurait pas risqué sa réputation pour un trésor. Mais maintenant ? Sept ans après leur séparation ? Rien n’était linéaire. Ni les êtres ni les vies. Quel homme se cachait derrière Claude de Forbin aujourd’hui ? Celui que la Provence chantait ? Celui que le roi avait nommé chevalier de l’ordre de Saint-Louis ? Ou cela n’était-il plus qu’une façade ?
    — Je ne suis pas soûl, Tom ! grogna Corneille en refusant le soutien de l’Homme en noir. Cesse de me materner.
    Mary piqua plus bas du nez, sentant remonter en elle une bouffée de colère.
    — Bon sang, Corneille, qu’est-ce qui t’arrive ? répliqua celui que Corneille avait appelé Tom, étonné par sa soudaine violence.
    Corneille ricana.
    — Une vieille blessure, mon frère. Une vieille blessure qui s’est réveillée.
    — Mary ? demanda l’Homme en noir.
    Celle-ci sursauta, agacée soudain de les voir s’éloigner. Elle se redressa aussitôt pour demeurer à portée de voix et perçut celle de Corneille.
    — Et qui d’autre, à ton avis ?
    — Bon sang, grommela l’Homme en noir, tu ne l’oublieras donc jamais ?
    Le cœur de Mary se serra.
    — Tu oublierais, toi, la seule femme que tu aies jamais aimée ?
    Tom ne répondit pas. Le visage de Cecily Read n’avait, depuis sa mort, jamais cessé de le hanter.
    La nuit enveloppait doucement le port tandis que les deux compères remontaient vers la ville. Ils marchaient à présent en silence, côte à côte, chacun à ses pensées. Celles de Mary, à quelques pas derrière eux, vacillaient sur leurs certitudes. Corneille venait de prétendre n’avoir pu l’oublier. Le ton même de sa voix trahissait sa sincérité. Le temps avait passé, mais elle ne pouvait s’y tromper. Alors que penser de cette amitié évidente qu’il entretenait avec l’ennemi ? Avait-on abusé Corneille pour pouvoir la retrouver, elle ? Mary n’y comprenait rien, et décida d’attendre les explications de celui-ci pour pouvoir en juger.
    Elle les vit pénétrer dans une auberge. Elle attendit un moment, hésitante. Puis un chariot de vin déboula, traîné par deux bœufs, encombrant à lui seul la ruelle et obligeant les passants à se plaquer contre les murs. Une femme, un panier d’œufs à une main, une petite fille à l’autre, hurla, furieuse :
    — Écrase-nous donc,
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