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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres
Autoren: Mireille Calmel
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l’empêchait de se souvenir de sa peine et du manque, insidieux, qui lui rongeait l’âme. Elle avait beau dire et faire, cette douleur lui arrachait ventre et cœur. Seul le grincement de la pierre, qu’elle frottait au fil de son épée pour la polir, savait l’apaiser.
    — Tu vas finir par l’abîmer, maman, lui avait glissé Junior une nuit, alors qu’ils se trouvaient à mi-parcours.
    Un sanglot avait échappé à Mary, qu’elle avait tenté d’étouffer dans son geste, un peu trop appuyé. L’acier avait crié à sa place. Elle était assise au pied du lit, face à la lune pleine qui, immense, la narguait par la fenêtre ouverte. Mary ne supportait plus d’être enfermée. Elle avait besoin d’air en permanence depuis les funérailles de Niklaus, comme si elle était restée prisonnière de son cercueil.
    Junior, délaissant ses couvertures, l’avait rejointe à quatre pattes, récupérant au passage le poignard de son père que, chaque soir, il glissait sous son oreiller.
    Il avait ouvert sa main et lui avait souri, de ce sourire triste qu’il affichait souvent.
    — Tu me la prêtes un peu, maman ?
    Mary avait hoché la tête et lui avait mis en main sa pierre à aiguiser. Junior s’était aussitôt activé sur le tranchant de sa lame, précautionneusement, en tirant la langue.
    — C’est papa qui m’a appris ! avait-il avoué.
    Mary avait de nouveau senti un sanglot monter. Junior avait alors posé son arme et, s’invitant à califourchon sur ses genoux, l’avait entourée de ses bras en affirmant :
    — On va s’en sortir, maman. Tu verras ! On va retrouver Ann. Après, on ira chercher le trésor, tous les trois.
    — Oui, Junior, tous les trois, avait-elle répété, se nourrissant de cette force qu’il voulait lui insuffler quand il en avait si peu lui-même.
    Pour Junior, pour Ann, elle n’avait pas le droit de se laisser aller.
    — Avant de rencontrer ton père, à l’armée, avait raconté Mary, j’ai croisé un homme sur ma route. Un homme qui a beaucoup compté.
    — C’était ton ami ?
    — Oui. Un ami précieux. Corsaire de Sa Majesté le roi de France. Tu sais ce que sont les corsaires ?
    — Oui. Il va nous aider pour le trésor ?
    — Je l’espère, mais ce n’est pas pour cela que nous allons au-devant de lui aujourd’hui. J’ai besoin de lui pour veiller sur toi tandis que j’irai délivrer Ann.
    Mary ne pouvait supporter l’idée de l’exposer. Il lui fallait se mesurer à Emma l’esprit libre, si elle voulait la vaincre et sauver Ann. Junior à ses côtés la rendrait trop vulnérable. Elle avait bien compris que c’était à cause de sa fille que Niklaus n’avait rien empêché. Elle ne voulait pas commettre la même erreur.
    L’enfant s’était resserré contre elle.
    — Mais je sais me battre, avait-il objecté.
    — C’est vrai, et tu es un grand garçon, mais je n’ai plus que toi, mon fils, et…
    Mary n’avait pu terminer sa phrase. Ses sanglots avaient gagné. Ceux de Junior l’avaient rejointe.
    — Jamais, avait-il juré. Jamais, maman. Tu me perdras jamais ! Jamais ! Jamais !
    Ils s’étaient étreints à se broyer, remplissant de leur tendresse ce vide qui les aspirait.
    A l’aube, Junior avait annoncé à sa mère qu’il resterait auprès de ce corsaire si elle lui promettait de revenir avec Ann.
    — Je ne reviendrai pas avant de l’avoir retrouvée, Junior. Jusque-là, tu te devras de prendre soin de toi.
    Junior s’était alors écarté d’elle, avait délogé l’œil de jade de la chemise garçonne de sa mère et, le dressant entre eux, avait craché dessus après avoir affirmé :
    — Juré !
    Se souvenant que c’était ainsi, sur la salamandre d’émeraude qu’Ann portait au cou, que ses enfants scellaient leurs accords, elle avait fait de même sans hésiter. Ils s’étaient ensuite levés, avaient rassemblé leurs affaires, les yeux gonflés, et récupéré leur cheval à l’écurie.
    Junior s’était endormi deux lieues à peine après avoir rejoint la grand-route et Mary s’était sentie apaisée. Pour la première fois depuis que Niklaus avait passé.
     

2
     
     
    I ls arrivèrent à Toulon un peu plus d’un mois après leur départ de Breda. Mary huma les odeurs marines qui lui chatouillaient les narines. Un sentiment de quiétude la gagna tandis qu’elle longeait les ruelles aux façades colorées pour descendre vers le port. Là se situait l’arsenal où elle voulait
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