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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille
Autoren: Georges TABET , André TABET
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I
    Le chef d’escadrille de la R. A. F., Reginald Lloyd, chantait Tea for two tout en brandissant son verre de bière.
    La foule des militaires qui emplissait le pub reprenait en chœur, à pleine voix.
    L’ambiance était joyeuse. On ne se serait jamais cru en guerre. Qui, au spectacle de cette scène insouciante, aurait pu imaginer que ce pays se trouvait toujours en danger de mort ?
    Les Anglais ont l’art de faire semblant. Ils l’ont à un degré tel que, à force de faire semblant d’être gais dans les circonstances dramatiques, ils avaient fini par devenir optimistes. Certains disent que cela vient de leur flegme, d’autres de leur sens de l’humour. D’autres encore pensent que c’est tout simplement du courage.
    Mac Intosh, au piano, se préparait à attaquer I want to be happy quand Daisy, la barmaid, fit tinter sa sonnette impérieusement en annonçant :
    —  Time !
    C’était une belle fille d’un blond si brillant qu’il éclipsait les cuivres du comptoir. Son buste généreux était posé sur le bar comme à la devanture d’un fruitier spécialisé en primeurs. Elle répéta inlassablement :
    —  Time ! Please ! Quinze minutes encore !
    Instantanément, tous abandonnèrent le vieux piano pour se ruer vers Daisy et commander les derniers drinks. C’est bien connu : pendant le quart d’heure qui précède la fermeture, dans tous les pubs du Royaume-Uni, les Anglais engouffrent une double ou triple ration afin de se maintenir en forme jusqu’au lendemain.
    Les clients du Saloon ou du Public Bar « THE CAT AND THE FIDDLE » (le chat et le violon) n’échappaient pas à la règle ancestrale du pays.
    Depuis le début de la guerre, la maison faisait des affaires d’or en raison de sa situation stratégique. Elle s’élevait sur une route campagnarde à égale distance des casernes d’artilleurs de Shœburyness et de l’aérodrome de Southend-on-Sea.
    Ces objectifs militaires avaient provoqué de furieux bombardements ennemis dont les magasins environnants avaient cruellement souffert. Mais la grande épicerie COOP à demi détruite, au lieu de fermer ses portes, avait affiché sur les trous béants de ses murs «  ouvert encore plus que d’habitude  ». On voulait ainsi prouver au gros Gœring qu’il n’effrayait personne et qu’au contraire il prêtait à la moquerie.
    Le Squadron-leader Reginald Lloyd offrit une dernière tournée générale. Il avait le geste large et son sourire découvrait des dents curieusement écartées, sous une moustache rousse en forme de poignée de porte de bar.
    C’était un as de l’aviation. Un de ceux qui avaient sauvé l’Angleterre en 40, un des « FEW » à qui Churchill dédiait la gratitude du pays.
    Mais depuis cette année terrible, le vent avait tourné.
    Malgré son sourire de façade, Reginald savait que le moment était proche où on allait enfin rendre les coups que Londres avait dégustés et continuait stoïquement à subir. Il était au courant, en tant qu’officier supérieur, d’un projet de formidable représaille : un raid de mille bombardiers sur l’Allemagne, chiffre encore jamais atteint par les flottes alliées.
    L’idée était dans l’air. Mais on observait prudemment les consignes de silence.
    D’un moment à l’autre, on pouvait appeler ces hommes pour la gigantesque opération. Toutes les instructions leur avaient déjà été données.
    En attendant, ils buvaient de la bière et ne laissaient voir ni impatience ni inquiétude. Ils chantaient.
    Au milieu des consommateurs, Reginald, inépuisable conteur, ne se faisait pas prier pour parler de ses vacances d’avant-guerre, sur le continent.
    Pour la millième fois, il raconta « sa » journée parisienne, espérant qu’il y aurait parmi les buveurs de Red Barrel des auditeurs à l’oreille vierge.
    — Je descendais toujours dans un hôtel du quartier de Grands Boulevards. Dès sept heures du matin je me levais, sautais dans un taxi et hop ! à la Mosquée.
    Une voix timide s’éleva dans l’assistance :
    — J’aurais pourtant juré que vous étiez membre de l’Église Anglicane !
    — Je le suis, avoua Reginald, mais Paris est la ville de toutes les surprises.
    Savez-vous ce qu’on fait à la Mosquée ?
    — On y prie en arabe, risqua l’interrupteur.
    — Pas du tout ! triompha Reginald, on s’y baigne !
    Un murmure d’incrédulité amusée ondula dans la foule enfumée des consommateurs.
    — Oui, Messieurs ! Bain
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