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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls
Autoren: Robert Merle
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pas
donné l’ordre.
    À ce moment, je dus quitter Schomberg, car Monsieur de
Clérac, accourant à grands pas, me dit que Louis ayant affaire à moi, je le
devais incontinent rejoindre. Quoique le roi fut comme toujours calme et
composé, je voyais bien, l’ayant connu dès ses maillots et enfances, qu’il
rayonnait, tant cette revue, pourtant longue et fatigante, lui avait donné du
plaisir. Car bien que sa discipline fût roide et inflexible, il aimait fort ses
soldats, et ils le lui rendaient bien, tant ils le savaient équitable, soucieux
de leur vie et de leur santé. Sans doute eussent-ils souhaité qu’il se souciât
un peu moins de leur santé spirituelle, car Louis, comme on sait, avait
impiteusement pourchassé et banni hors du camp les loudières et ribaudes qui,
sans sa rude répression, eussent assuré le repos des guerriers. « Ma
fé ! C’est trop exiger de la pauvre bête », me dit un jour un de ces
soldats, « que de vivre tout un an escouillé et sans femme. Si le Seigneur
eût voulu que nous vivions si solitaires, pourquoi diantre nous a-t-il enlevé
une côte pour créer Ève ? »
    Louis m’accueillit fort bien, et m’enjoignit de me joindre
dans l’instant à Schomberg, ayant une mission pour moi en La Rochelle qui ne
souffrait pas de délais.
    — La voici, me dit-il en me tendant un pli. Cet ordre est
signé par Monsieur le Cardinal et contresigné par moi. Il doit être exécuté à
la lettre et dans l’esprit.
    Je me demandai bien de quel « esprit » il
s’agissait, mais comme on sait, on ne pose pas de questions au roi, et je me
retirai, m’apensant que si cet ordre avait été rigoureux, il eût été confié à
un maître de camp et non à moi. Cette impression ne laissa pas d’être confirmée
quand, avec soulagement, j’en eus pris connaissance. Je retournai dire ce qu’il
en était à Schomberg. Et Hörner, démontant un de ses Suisses, me donna son
cheval et parut fort heureux, ainsi que Nicolas, d’être parmi les premiers à
entrer dans La Rochelle.
    — Monseigneur, dit Nicolas avec un sourire, votre Accla
au retour sera furieuse que vous ayez monté un autre cheval qu’elle.
    — Je démonterai avant le perron de Brézolles, dis-je,
entrant dans le jeu, tant est qu’elle ne pourra pas sentir sur moi son odeur.
    — Alors, elle sentira la vôtre sur ledit cheval, dit
Hörner.
    Cette petite gausserie n’allait pas sans quelque grocerie,
mais je n’en dis rien, ne voulant pas rabattre la joie de Hörner d’être mêlé à
ce grand événement : l’entrée de l’armée royale dans La Rochelle. À
l’inverse, le Suisse qu’il avait démonté me parut fort marri d’avoir à
retourner à Brézolles dans ma carrosse, tout honorable que fût le retour au
château en pareil équipage.
    Bien que la porte de Tasdon fût largement déclose en signe
de soumission, Schomberg se garda de faire entrer incontinent la longue colonne
des vingt compagnies qui le suivaient, et, l’arrêtant avant qu’elle ne franchît
le seuil, il examina fort soigneusement à la longue-vue les créneaux des
remparts – d’où, par deux fois, j’avais été menacé et couvert d’injures
par Sanceaux. N’y discernant pas la moindre présence humaine, il dépêcha Du Hallier
et cinq autres officiers, à cheval et sans épée, parcourir la ville en tous
sens afin d’éventer d’éventuels traquenards. Ces six cavaliers étaient suivis
par un trompette qui, s’arrêtant de place en place, ramentevait les habitants
qu’on leur avait donné l’ordre de porter mousquets, pistolets, épées, pics et
poignards qu’ils détenaient à l’hôtel de ville. Il les adjurait, s’ils
n’avaient pas eu la force de marcher jusque-là, de déposer toute arme en leur
possession devant leur porte. Faute de quoi, si l’on trouvait chez un quidam ne
serait-ce qu’un poignard, il serait tout à trac fusillé.
    Ce petit détachement d’officiers revint sans encombre en
moins d’une heure et Schomberg me dit que j’étais libre d’entrer à mon tour
avec mon escorte pour accomplir ma mission. Quant à lui, il allait occuper avec
sa troupe les postes et positions importants de la cité.
    Si Nicolas et Hörner avaient cru trouver un grand
contentement à passer les portes de La Rochelle, ils ne laissèrent pas de
déchanter quand ils virent les rues jonchées de cadavres, et les quelques
survivants, pâles et émaciés, se traîner de-ci de-là dans l’espoir qu’on leur
donnât de
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