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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls
Autoren: Robert Merle
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hérissèrent.
    « — Hörner, dis-je, ne parlez pas à ces messieurs,
ils nous cherchent querelle et nous n’avons pas affaire à eux.
    « Là-dessus je leur tournai le dos et Hörner aussi, et
les deux coquebins eussent continué se peut à nous débiter des méchantises, si
un mousquetaire, qui me connaissait bien, ne s’était approché d’eux, et, les
prenant chacun par le bras, il leur dit : « Messieurs, avec votre
permission, tirons un peu plus loin : j’ai deux mots à vous dire. »
    — Si je t’entends bien, mon cher Nicolas, il y a une
leçon attachée à la queue de cet incident. Eh bien ! Nous tâcherons demain
de nous la ramentevoir.
    Et le lendemain, avant de départir pour le Conseil, je
commandai à Nicolas de dire à Hörner de faire seller six chevaux, mon Accla
comprise. C’est pitié ! m’apensai-je, qu’il faille tenir compte de la
bêtise de ces faquins qui jugent de l’importance d’un gentilhomme par
l’importance de son escorte. Je le fis toutefois, car je noulais exposer
derechef Hörner et Nicolas à ces dégoustements imbéciles.
    Quand j’advins dans la grande salle de La Sauzaie où se
tenait le Conseil, Du Hallier, que le roi, on s’en souvient, avait nommé
maréchal de camp, m’avertit que le roi avait interdit les bonnetades de
conseiller à conseiller, afin de ne pas troubler le débat au cas où il y aurait
des retardataires. Il me fallut donc me borner, comme tout un chacun, à un
regard et un signe de tête.
    Mais c’est merveille, lecteur, comme ces signes-là, pour
discrets qu’ils fussent, pouvaient trahir des sentiments, bons ou moins bons,
selon les cas : pour me borner à quelques exemples, autant l’amitié brilla
dans le regard de Schomberg et de Toiras, et la sympathie dans l’œil du duc
d’Angoulême, autant l’un et l’autre manquaient dans l’œil des deux Marillac
(l’un garde des sceaux, l’autre maréchal de camp), amitié et sympathie faillant
davantage encore chez Bassompierre, désormais tout acquis, quoique sourdement,
au clan des vertugadins diaboliques, pour qui j’étais un suppôt du cardinal et
une créature du roi, c’est-à-dire un gentilhomme bon à embastiller, ou tout du
moins à exiler dans ses terres, si l’on parvenait à se débarrasser, par quelque
moyen que ce fut, de Louis et de Richelieu.
    Je ne peux, lecteur, te révéler qui dit quoi à la séance
importantissime de ce Conseil, puisque tout bon conseiller est tenu sur ce
point à secret garder. Mais je puis cependant, sans citer leurs auteurs, dire
quelles furent les opinions diverses qui s’y déclarèrent quand la question fut
posée de savoir ce qu’on allait faire des Rochelais, dès lors qu’il était acquis
qu’ils s’allaient soumettre.
    Les uns opinèrent qu’il fallait infliger aux rebelles un
châtiment terrible, afin qu’il frappât de terreur les autres villes
protestantes de France et les contraignît à demeurer à jamais dans leur devoir.
    Les autres estimèrent que le siège, la famine, la ruine et
surtout la perte des trois quarts des habitants étaient en soi pour La Rochelle
une punition si affreuse qu’il n’était pas nécessaire d’y ajouter.
    Les autres enfin, tout en penchant eux aussi pour la
clémence, estimèrent qu’il fallait néanmoins châtier durement le maire Guiton,
ainsi que la poignée de pasteurs et d’échevins qui l’avaient soutenu dans sa
criminelle obstination. En fait doublement criminelle : à l’égard des
siens comme à l’égard du roi.
    Louis avait ouï ces discours sans trahir la moindre
préférence pour l’un ou l’autre des procédés, et sans tant languir il donna la
parole au cardinal, et bien savait-il ce qu’il faisait en le gardant, si je
puis dire, pour la bonne bouche.
    Pour moi, j’étais bien assuré que Richelieu avait choisi la
clémence pour des raisons politiques, le « châtiment terrible » de La
Rochelle ne pouvant qu’éveiller, dans les autres villes protestantes de France,
un ressentiment tel et si grand que la rébellion renaîtrait sans cesse de ses
cendres et se perpétuerait. Mais ces raisons politiques, il savait aussi
qu’elles n’étaient valables que pour ceux qui, comme lui, avaient l’imagination
de l’avenir, et non pour une Assemblée, qui comme toute assemblée n’était
agitée que par les passions du moment.
    Avec une habileté si consommée que je serais tenté de
l’appeler diabolique, s’il ne s’agissait pas d’un cardinal,
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