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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls
Autoren: Robert Merle
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CHAPITRE PREMIER
    Lecteur, je me propose dans ce onzième tome de mes Mémoires
de décrire la vie qui fut la mienne pendant le siège de La Rochelle –
siège qui fut, avec celui de Breda, le plus long et le plus fameux de la
première moitié de ce siècle.
    L’enjeu était, comme disait Richelieu, importantissime. Les
protestants, ou, comme on disait alors, les huguenots, avaient fini par former
un État dans l’État, et braver le pouvoir du roi de France par de continuelles
rébellions.
    Or La Rochelle, citadelle de la puissance huguenote en ce
royaume, était réputée invincible pour la raison qu’étant puissamment fortifiée
côté terre, elle s’ouvrait largement sur l’océan et pouvait être par conséquent
envitaillée, et par sa propre flotte, et par celle de ses alliés – de
prime paradoxalement par la très catholique Espagne, laquelle cependant promit
beaucoup et ne fit rien, et ensuite par la protestante Angleterre, qui, elle,
intervint à trois reprises dans la guerre entre Louis XIII et sa ville
mutinée.
    Toutefois pendant longtemps, les sympathies anglaises
étaient demeurées inactives, et ne sortirent en fait de leur passivité que par
un événement apparemment infime dans l’histoire du monde : un baiser volé
dans un jardin, la nuit.
    Et par qui, et à qui, c’est ce que je vais dire au lecteur
ou plutôt lui redire, ayant déjà décrit l’affaire dans le précédent tome de mes
Mémoires.
    En 1625, année au cours de laquelle le prince de Galles
devint Charles I er d’Angleterre, son favori, Lord Buckingham,
se rendit à Paris, pour demander pour son maître la main de la princesse
Henriette-Marie, sœur de Louis XIII. Il l’obtint, mais sur le chemin du
retour, à la nuitée, dans un jardin d’Amiens, il fit à la reine de France une
cour si expéditive qu’elle n’échappa de ses bras qu’en appelant à l’aide. Le
scandale fut immense, et Louis XIII fit défense à l’insolent de jamais
remettre le pied sur le sol de France.
    Combien que cette interdiction fut fort méritée, Buckingham
ne la put souffrir, et pour se revancher d’être à jamais banni des délices
qu’il goûtait à Paris, étant fort avant dans les amitiés des vertugadins
diaboliques, il envahit sans crier gare l’île de Ré, l’occupa, y fut aidé et envitaillé
par les Rochelais, mais ne pouvant venir à bout de la citadelle de
Saint-Martin-de-Ré, où Toiras avec ses troupes s’était enfermé, et attaqué en
outre par l’armée de renfort commandée par Schomberg, fut chassé de sa conquête
et perdit dans le réembarquement la moitié de ses forces.
    Quant à moi, après les fatigues et les famines de
l’interminable siège, lesquelles j’avais endurées avec Toiras et ses soldats en
la citadelle de Saint-Martin-de-Ré, je n’aspirais qu’à me rebiscouler dans les
joies domestiques de mon domaine d’Orbieu, « qui m’est une province et
beaucoup davantage ».
    Hélas ! je ne le pus. Et, à vrai dire, je n’osais même
pas quérir de Louis XIII mon congé, car les envahisseurs une fois départis
de l’île, la guerre n’était pas pour autant terminée. Alors même que les
Anglais foulaient encore notre sol, les Rochelais, le dix septembre 1627, nous
avaient déclaré la guerre après un étrange et interminable face à face, eux
derrière leurs murailles, et nous devant, sans qu’une seule mousquetade fût
tirée d’un côté ou de l’autre.
    « Qu’est cela ? disaient les Anglais, ce n’est ni
la guerre ni la paix. » Et ils disaient vrai, tant était grand des deux
parts le rechignement à se replonger dans les horreurs d’une guerre civile.
    Le souvenir à jamais présent d’un demi-siècle de
persécutions avait rendu nos pauvres huguenots excessivement ombrageux. Dans la
moindre parole, sous la moindre apparence, ils sentaient poindre des menaces.
Bien que l’édit de Nantes leur eût apporté des franchises et des privilèges
tels et si grands qu’ils formaient comme un État dans l’État, ils demeuraient
encore insatisfaits, agités, inquiets, suspicionneux. Pis même, ils violaient
eux-mêmes les clauses de cet édit qui n’avait pour objet que de les protéger,
n’hésitant pas à chasser du Béarn les prêtres catholiques, prenant des villes
ou des îles au roi, arraisonnant ses bateaux dans le pertuis breton, ou même
massacrant par surprise la garnison royale, comme à Nègrepelisse, petite ville
qui, par Condé, fut non moins
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