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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls
Autoren: Robert Merle
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des tristesses et des mésaises que je ne saurais dire.
Autre chose est de décider : « Cette ville est rebelle à son roi.
Nous l’allons réduire par la faim », et autre chose est de passer, à tout
le moins par l’imagination, de l’autre côté des murs et de vivre cette famine
et ses terrifiants effets. On éprouve alors combien le vieil adage :
« L’homme est un loup pour l’homme » est injuste pour le loup. Pis
même, on incline à se demander si le mot lui-même mérite qu’on le prenne pour
un synonyme de bonté et de compassion.
    Pour Sir Francis, je conjecturai qu’en me faisant ce récit,
il avait voulu purger ses mérangeoises de ces horribles remembrances. Je le
crois car, au départir, comme je prenais de lui congé pour regagner ma chambre,
il me remercia de l’attention et de la sympathie avec lesquelles je l’avais
écouté, ajoutant qu’il garderait à jamais le souvenir de Brézolles. Grâce à
moi, grâce à tous, il avait retrouvé le bonheur de vivre dans le monde de la
couleur et du mouvement.
    Pour moi, j’estimai qu’il avait ce jour véritablement vidé
son sac et qu’il ne pourrait pas m’en dire plus. De retour à mon appartement,
je demandai à Nicolas d’ouvrir mon écritoire et d’écrire sous ma dictée le
récit que Sir Francis venait de faire, lequel sans tant languir je désirais
porter au cardinal.
    Nicolas, à écrire ce terrible conte, fut bientôt au comble
de l’émeuvement. Et comme je lui vis les yeux pleins de larmes, je lui dis,
mi-gaussant mi-sérieux, que s’il devait pleurer, qu’il fît en sorte de ne pas
mouiller le papier, le cardinal étant si méticuleux.
    — Monseigneur, dit Nicolas gravement, je ne me
permettrais jamais de pleurer sans votre assentiment.
    À ouïr ceci, je me demandai si cette remarque ne tenait pas
du raisin autant que de la figue. C’est à cet instant que je m’avisai pour la
première fois que le respect dû aux Grands peut comporter des nuances qui ne
sont pas toutes respectueuses. Et Dieu sait comme j’eus d’occasions dans la
suite de le vérifier.
    Nicolas achevait à peine ses pages d’écriture que Hörner me
vint dire qu’une carrosse de Monsieur le Cardinal s’était présentée à la grille
de Brézolles. Reconnaissant les armes peintes sur ses portières, on lui avait
ouvert. Un mousquetaire du cardinal – un vrai coquelet, tant il était
jeune et frisquet – en était descendu et lui avait dit qu’il avait ordre
de me mener sans tant languir au château de La Sauzaie, où Son Éminence avait
affaire à moi. Je demandai alors à Nicolas de seller son cheval et de mener
audit château mon Accla en la tenant par la bride, car je n’étais pas sûr de
disposer de la carrosse pour le retour.
    — Monseigneur ! dit-il, moi sur mon hongre tenir
votre Accla par la bride ! Alors qu’elle déprise et déteste ledit hongre,
au point qu’elle ne le peut souffrir trottant à ses côtés ! Je
n’atteindrai jamais La Sauzaie !
    Il avait raison, et bien qu’il tâchât de le cacher, il était
assez content, après ma remarque sur ses larmes, de me remontrer mon
étourderie. À mon sentiment, il ne faut pas grincher sur les petites
supériorités que prennent sur nous nos gens dans la vie quotidienne. Elles les
consolent de la subordination où les contraint leur état.
    — Fais comme tu l’entends, Nicolas, dis-je avec bonne
humeur. Et ce sera bien fait si mon Accla m’attend dans la cour de La Sauzaie
quand j’aurai besoin d’elle.
    — Monseigneur, dit Hörner, qui étant une âme simple
n’avait sans doute pas entendu les dessous de ma petite passe d’armes avec
Nicolas, je pourrais me charger, montant une jument, d’amener votre Accla par
la bride jusqu’à La Sauzaie, pour peu que Monsieur le Chevalier me montre le
chemin.
    — Eh bien, faisons ainsi ! dis-je, et je pris
place dans la carrosse.
     
    *
    * *
     
    À La Sauzaie, l’exempt, dès qu’il me vit, m’amena en me précédant
dans la salle où les quatre secrétaires du cardinal étaient attachés à leur
long et coutumier labeur. Je leur fis signe de ne se point lever, mais ils se
levèrent tout du même avec de profonds saluts. Après quoi, Charpentier, en se
détachant du lot, me conduisit dans un cabinet attenant où se trouvait le
cardinal. Je lui remis incontinent les feuillets sur lesquels j’avais transcrit
l’essentiel des propos de Sir Francis Kirby. Il les lut fort attentivement et
dit :
    — Les
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