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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls
Autoren: Robert Merle
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Richelieu reprit
tous les arguments en faveur du « châtiment terrible », et les exposa
avec plus de vigueur, de poids, de clarté et d’élégance que ceux qui l’avaient
recommandé. Il exposa plus brièvement, ensuite, les arguments qui parlaient en
faveur du châtiment partiel. Et en venant enfin à la clémence, il parut tenir
un moment la balance égale avec elle et les options précédentes, mais il parla
si longuement du pardon que cette insistance même ne laissa pas de montrer de
quel côté il penchait. Il y mit aussi davantage d’émeuvement, sachant bien que
si la raison doit convaincre, c’est le sentiment qui persuade. Il s’adressa aussi
plus personnellement au roi qu’il n’avait fait jusque-là, se ramentevant sans
doute combien Louis avait été bouleversé par la description que Sir Francis
Kirby avait faite des ravages de la famine sur les Rochelais et les soldats
anglais. Il en appela à la fois à son humanité et au souci que Sa Majesté avait
de sa gloire.
    — Sire, dit-il, jamais peut-être ne s’offrit à un
prince une occasion aussi illustre de se signaler par sa clémence, qui est la
vertu par laquelle les rois approchent davantage de Dieu, de qui ils sont plus
les images en bien faisant que non pas en détruisant et en exterminant. Au
reste, plus La Rochelle était coupable, plus Sa Majesté ferait paraître de
vraie magnanimité, après l’avoir surmontée par ses armes invincibles et réduite
à se soumettre à lui nuement que de se surmonter lui-même en lui pardonnant. Ce
que, s’il faisait, le nom célèbre de cette ville porterait sa gloire par tout
le monde et la transmettrait aux âges suivants, comme du prince qui se serait
montré du tout [83] incomparable, soit à
vaincre, soit à user modérément de sa victoire.
    — Messieurs, dit le roi, promenant son regard sur
l’assemblée, si quelqu’un de vous désire là-dessus opiner, je lui donnerai la
parole.
    Mais aucun de ceux qui tenaient pour le « châtiment
terrible » ne leva la main. Ils jugeaient la partie perdue pour eux.
Pourtant, lecteur, au contraire de ce que tu as pu penser, elle n’était pas
gagnée d’avance par Richelieu, car s’il y avait bien une fibre humaine chez
Louis, il ressentait toutefois profondément les écornes qu’on lui avait faites,
et n’ayant pas comme Henri IV, son père, la triple indulgence, il en
tirait dans les occasions des vengeances implacables. En appeler au souci qu’il
avait de sa gloire pour l’amener à user de clémence à l’endroit de La Rochelle
était donc loin d’être inutile, et bien le sentit Richelieu qui connaissait son
maître mieux que tous.
    Le vendredi vingt-sept octobre, le cardinal reçut au château
de La Sauzaie les cinq délégués de La Rochelle et mena rondement et fermement
l’affaire : les Rochelais obtenaient la vie sauve, les libertés de
conscience et du culte, et la garantie de leurs biens. Toutefois leurs
murailles seraient rasées et, ce qui leur fut infiniment plus à dol, La
Rochelle cesserait d’être ville franche, les bourgeois devant à l’avenir payer
la taille. Là-dessus, il y eut des pleurs, des gémissements, et des grincements
de dents, mais Richelieu fut adamantin.
    Les délégués étaient cinq, mais l’après-midi, avant que
d’aller voir le roi, Dieu sait pourquoi, ils reçurent le renfort de six autres
notables. Accueillis de prime par Richelieu et quelques membres du Conseil dont
j’étais, ils furent menés devant le roi, lequel était assis dans une chaire à
bras, les principaux de la Cour l’entourant debout. Le Rochelais Daniel de La
Goutte, après s’être agenouillé devant Sa Majesté, prononça au nom de la ville
une harangue fort ampoulée qui me ragoûta peu. Le roi y était comparé au soleil
dont avaient été privés les Rochelais, retenus dans des cachots ténébreux si
longtemps que leurs yeux, tout éblouis de l’éclat de ses rayons, en pouvaient à
peine supporter la clarté… La Goutte conclut en promettant que, bénissant à
jamais la mémoire de la grâce qui leur était donnée, les Rochelais
demeureraient jusqu’au dernier soupir de leur vie les très humbles, très
obéissants sujets et serviteurs de Sa Majesté.
    Cette lourde rhétorique était la chose au monde la moins
faite pour plaire à Louis. Et sa réplique – que je couchai sur le papier
dès mon retour à Brézolles – fut roide, brève et à la franche marguerite.
Quand je la répétai plus tard à mon
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