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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls
Autoren: Robert Merle
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abandonnée. Et il est clair qu’il nous a abandonnés parce qu’il
n’approuvait pas notre alliance avec des étrangers, ni notre rébellion contre
notre légitime et naturel souverain. Il est tout à fait clair pour moi que
c’est Dieu qui a inspiré à Louis le pardon généreux qu’il accorde ce jour d’hui
à ses coupables enfants. Monseigneur, je ne l’oublierai jamais. Je tirerai
leçon de mon aveuglement, et serai désormais pour le maître que le Seigneur
nous a donné un serviteur fidèle.
    Ce discours me toucha. Nous étions bien loin du discours
rhétorique et ampoulé que les délégués de La Rochelle avaient prononcé pour
demander pardon à leur souverain. Les paroles de Guiton lui venaient du bon du
cœur, inspirées qu’elles étaient par une sincérité sans faille, laquelle était
perceptible jusque dans les accents bibliques de sa contrition. Que j’aimerais,
lecteur, avoir une foi aussi vive que celle de ces consciencieux huguenots, qui
se sentent accompagnés dans tous les actes de leur vie par un Dieu qui tantôt
les loue d’avoir bien agi, et tantôt les rabroue pour les fautes qu’ils ont
commises !…
    Belle lectrice, avant que de quitter Guiton, pour lequel je
voudrais que votre cœur s’intéresse, j’aimerais que vous sachiez qu’il fut, en effet,
d’ores en avant un fidèle serviteur de Sa Majesté. Tant est qu’on le retrouve,
quelques années plus tard, amiral d’une escadre royale, et dévoué corps et âme
au service du roi.
    Comme j’allais saillir de la maison de Guiton, j’ouïs un
grand vacarme, et dès que je fus hors, je vis que la raison en était des
charrettes lourdement chargées, qui entraient par douzaines par la porte de
Tasdon – et aussi sans doute par d’autres portes –, et qui faisaient
sur les pavés de La Rochelle un bruit d’enfer, lequel était redoublé de place
en place par d’assourdissants roulements de tambours, suivis de proclamations
stentoriennes. Elles appelaient les habitants à sortir de leur maison, afin de
recevoir gratuitement des vivres.
    De la part du roi, c’était, certes, un geste très généreux,
mais combien attristant fut le spectacle de ces Rochelais squelettiques,
sortant de leur maison en titubant, et si avides de mettre la main les premiers
sur les pains de munitions qu’ils se battaient entre eux, quoique avec des
gestes si faibles qu’ils ne pouvaient guère se faire du mal. Il fut, je le dis
bien, impossible de leur apprendre à attendre leur tour, ni, une fois
envitaillés, de leur recommander de manger très modérément sous peine de mort.
Peu nombreux furent ceux qui entendirent raison, et plusieurs douzaines de ces
malheureux en effet périrent dès le lendemain d’avoir gavé à réplétion des
corps déjà affaiblis par la famine.
     
    *
    * *
     
    — Monsieur, un mot, de grâce !
    — Belle lectrice, je vous ois.
    — On ne peut dire que vous ayez eu beaucoup affaire à
moi en ce onzième tome de vos Mémoires. Vous n’en avez que pour le lecteur.
    — Madame, il me semble que de votre bouche j’ai déjà
ouï ce reproche. Il n’est pas équitable. Quand je dis « lecteur », il
va sans dire que la « lectrice » est incluse en ce
« lecteur », tandis que je ne m’adresse évidemment qu’à vous seule
quand je dis « belle lectrice ».
    — Oui-da, Monsieur, je le sais, vous êtes habile. Et
c’est bien pourquoi le cardinal vous confie tant de délicates missions.
    — Dont une au moins fut plus odieuse que délicate.
    Ramentez-vous, de grâce, cette promenade sinistre dans les
mauvais marais avec Bartolocci.
    — Monsieur, peux-je cependant vous demander si vous
avez reçu vos papiers de duc et pair ?
    — Madame, merci de vous en inquiéter. La réponse est
oui. Ce n’est pas le roi, mais le garde des sceaux Marillac qui en avait
retardé l’envoi.
    — Vous aime-t-il si peu ?
    — Il est dévot, Madame, et le parti dévot désapprouve
la politique que je sers : celle du roi et de Richelieu.
    — Comment cela ? Le roi est fort pieux, que je
sache ?
    — Madame, il y a en cette France que voilà un monde de
différences entre le mot « pieux » et le mot «  dévot ».
    — Et quelle est cette différence ?
    — Le premier, le mot « pieux », est
religieux. Le second, le mot « dévot », est politique. Si Monsieur
Marillac avait été, au moment du siège de La Rochelle, le ministre au pouvoir,
il eût fort probablement recommandé au roi la
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