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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu
Autoren: Michel Peyramaure
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jusqu’à la tour de la Grande-Chapelle, criant on ne savait quoi sous les sarcasmes des archers.
    Jeanne fut hissée sur un chariot attelé d’un couple de boeufs, sans que l’on prît la précaution de la dissimuler sous une bâche, comme précédemment. Le cortège était impressionnant : une longue théorie de religieux porteurs de cierges précédait une centaine d’archers en grande tenue, arborant sur leur pourpoint les armes aux léopards.
     
    La place du Vieux-Marché, toute proche, était déjà envahie, alors que toutes les cloches de Rouen sonnaient huit heures, par la foule des grandes festivités rouennaises. On l’abordait quand Jeanne demanda à Massieu quel jour on était.
    – Le mercredi 30 mai, dit-il. Cela fait cent soixante-dix-huit jours que tu es prisonnière dans cette ville.
    Elle semblait sereine, peu impressionnée en tout cas par les imprécations sporadiques montant de la foule, pas plus que par la vue des gibets d’où l’on avait enlevé les corps des suppliciés. En revanche, elle fut parcourue d’un frisson de peur en apercevant le soubassement de maçonnerie et l’estaque, sur lequel Mauger Leparmentier entassait les fagots.
    Un archer lui délia les mains pour l’aider à descendre du chariot. John Grey lui ôta son chaperon de laine qu’il remplaça par une mitre de carton sur laquelle on avait écrit : Hérétique... Relapse... Apostate... Idolâtre... On avait oublié, et pour cause, l’accusation de sorcellerie.
    Cernée de maisons aux façades et aux pignons à colombages et encorbellements, la place du Vieux-Marché était noire de monde. Il y avait des spectateurs jusque sur les toits et jusqu’aux fenêtres des mansardes qu’on appelait à Rouen les belles voisines . Il en montait une rumeur d’essaim ponctuée par des railleries et des sarcasmes qui soulevaient des tempêtes de rires. Quelque part sous un arbre un baladin jouait de la musette pour faire danser les filles.
    Sur la place elle-même, enclose entre des alignements de maisons bourgeoises, les Halles aux Bois, à la Boucherie et le cimetière de Saint-Sauveur, on avait dressé des échafauds. Sur celui qui était accoté à la Halle au Bois on installa la Pucelle ; un autre, de plus vastes dimensions, destiné aux prélats et aux notables, se dressait contre le mur du cimetière. Le bûcher se dressait au milieu de la place, à l’endroit où, d’ordinaire, on procédait aux exécutions capitales ; on avait accroché à l’estaque un extrait de la sentence.
    Massieu prit Jeanne par le bras pour la faire accéder, par un escalier fort raide, à l’échafaud qu’elle devait occuper dans l’attente de son supplice. Avant de la laisser seule il lui dit :
    – Adieu mon enfant. Je suis obligé de te quitter. Sache que je ne t’oublierai pas et que je prierai pour toi chaque jour jusqu’à l’heure de ma mort.
    Comme il avançait son visage pour l’embrasser, elle le repoussa en lui disant :
    – En nom Dieu, n’en faites rien, sinon vous auriez à craindre pour votre sécurité ! Je vous sais gré de l’affection que vous n’avez cessé de me témoigner. Adieu...
     
    C’est à un chanoine de Rouen, Nicolas Midi, que revint le soin de lire à la condamnée l’ultime admonestation de pure forme. Il s’écria, citant l’Epître aux Corinthiens :
    – Si un membre souffre, les autres membres souffrent comme lui !
    L’évêque ajouta, du haut de la tribune :
    – Jeanne, tu es le membre pourri de notre Église et nous devons prendre garde à ce que l’infection n’attaque les autres membres. C’est ainsi que tu dois être rejetée de l’unité de l’Église, arrachée de son corps, livrée à la puissance séculière en souhaitant qu’avant ta mort et la mutilation de tes membres, elle modère l’exécution de la sentence.
    Ce n’étaient que des mots. Agenouillée, Jeanne priait. Elle invoqua ses frères du Paradis, leur reprocha de l’avoir abandonnée, puis elle demanda pardon de ses fautes à ses juges, à ces prélats assassins, aux Anglais tortionnaires, au peuple hostile. Elle recommanda aux religieux de faire dire des messes pour le salut de son âme.
    – Pour ce qui est de mon roi, dit-elle, sachez qu’il n’est en rien responsable de mes actes, en bien ou en mal.
    Sur les tribunes, dans la foule, des gens pleuraient. Les Anglais, prêtres et soldats, riaient mais perdaient patience. L’un d’eux, un jeune officier, se planta, mains sur les hanches, devant la
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