Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu
Autoren: Michel Peyramaure
Vom Netzwerk:
besoin de cette bergerette inspirée pour régler mes affaires. Je l’ai sortie de la boue. Dommage qu’elle se soit prise pour une prophétesse et une miraculée !
    – Mais enfin, mère, vous-même et le roi mon époux lui devez beaucoup ! Sans elle les Anglais occuperaient toute la France !
    – Peut-être. Je ne sais. Ce que j’affirme, c’est qu’elle a eu tort, après le sacre, d’en faire plus qu’on n’attendait d’elle. Elle a péché par ambition et par orgueil.
    La Vieille Reine avait ajouté de cette voix rude de montagnarde aragonaise qu’elle prenait souvent dans ses colères :
    – En voilà assez ! Je vous prie de ne plus me parler d’elle à l’avenir !

Champtocé, octobre 1431
    Quand Gilles s’éveilla dans l’aube brumeuse d’octobre, la bibliothèque de Champtocé, où il passait la plupart de ses nuits, était plongée dans la pénombre et froide comme une crypte. Il ranima d’une bourrée les braises subsistant de la flambée de la veille. Revenant vers le lit au chevet encombré de piles de livres, il resta un moment à contempler le bel adolescent qui avait partagé sa couche : il était nu, blanc et rose ; sa chevelure blonde frisottait sur son épaule ; un fil de salive avait glissé de la bouche au menton. Une image de beauté antique : Endymion endormi au bord d’une source. Une vision bouleversante, pure, insoutenable. Il se dit que la beauté est une provocation, que la détruire c’est affirmer son pouvoir. Où avait-il lu l’anecdote relatant l’histoire de cet imperator romain qui ne pouvait supporter la beauté des statues, leur regard vide, implacable, accusateur, et qui les brisait ?
    Il sentait parfois monter en lui ce même désir implacable de détruire ce qui le dépassait et lui donnait une conscience suraiguë de son impuissance, de ses échecs, de ses doutes sur le monde et sur lui-même surtout. Ce garçon qu’il avait possédé au cours de la nuit, le plus cher de tous les chérubins de sa psallette, lui faisait injure et semblait le provoquer.
    Il prit le poignard suspendu avec ses vêtements de jour à la potence, en éprouva le fil du bout du pouce, se pencha vers l’enfant, et, sans une hésitation, lui trancha la gorge. L’agonie fut brève mais pathétique : il en suivit les progrès dans le regard de sa victime.
    Il se demanda comment se débarrasser du corps avant l’arrivée des domestiques et jugea que le plus simple était de le brûler. Il entreprit de le dépecer, surpris de la fragilité de ses membres, de leur légèreté d’oiseau. Il jeta les membres dans la cheminée, garda la tête un moment dans ses mains, l’embrassa sur les lèvres avant de la livrer aux flammes avec ce qui restait du corps.
     
    Il se dit qu’il avait assez séjourné à Champtocé. On devait l’attendre à Orléans à l’occasion du mystère qu’il allait y faire jouer sur le parvis de la cathédrale. Il avait dû emprunter à Jacques Boucher des sommes importantes pour ce spectacle qu’il comptait dédier à Jeanne. Il n’avait plus un sou vaillant, et ce n’est pas son épouse, Catherine de Thouars, installée à Parthenay, qui pourrait l’aider dans ses fantaisies ruineuses.
    Sa décision de mettre un terme à la guerre et aux mondanités se confirmait. Il allait brûler ses dernières ressources dans les fêtes d’Orléans, donner une dernière fois l’image de sa splendeur, de la gloire de Jeanne, avant de se retirer et de ne plus faire parler de lui.
    La mort de sa compagne l’avait bouleversé. Il s’accusait de ne pas l’avoir soutenue comme il aurait dû le faire, d’avoir mal préparé l’expédition sur Rouen, mais il convenait qu’il eût fallu un miracle pour la sauver. Le souhaitait-elle vraiment, d’ailleurs ?
    C’est à elle, à son épopée, à son martyre, qu’il allait consacrer ce dernier éclat de sa magnificence. Il avait choisi d’intituler son spectacle : Le Mystère du siège d’Orléans ...

L’après Jeanne...
    Il avait bien fallu se résoudre à admettre que ce pauvre Guillaume aurait mieux fait de rester dans ses montagnes du Gévaudan plutôt que de chercher à tirer gloire de ses stigmates. On avait vainement tenté d’en faire un substitut de la Pucelle mais, outre qu’il était ignare, que ses prophéties étaient vite éventées, il était plus sot, disaient certains, que la plus sotte de ses brébiales. Un innocent.
    L’affaire lancée, on l’avait amené devant Louviers que les Anglais venaient
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher