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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu
Autoren: Michel Peyramaure
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qu’un tapis de chairs charbonneuses. Il constata avec effroi que les entrailles et le coeur étaient intacts, et bredouilla :
    – Justice est faite, monsieur le bailli...
    – Fort bien, mon ami ! Vous allez mettre ces restes infâmes dans un sac de cuir pour aller les jeter dans la Seine. Il ne faut pas qu’il reste de cette hérétique de quoi faire la moindre relique...

16
    La honte et le remords

Rouen, juin 1431
    Une chape de plomb semblait recouvrir la ville.
    On parlait à voix basse comme dans une église ; on marchait tête baissée, comme si l’on avait honte d’affronter le regard des autres. Peu de religieux dans la foule quotidienne : ils se terraient dans les presbytères, les hôtels particuliers, les cloîtres, par crainte d’être apostrophés et pris à partie comme cela s’était produit le lendemain du supplice. On avait dû enfermer la brute anglaise qui avait promis de hâter la combustion de Jeanne et avait failli tomber raide à la vue de la colombe, ajoutant qu’il avait vu le visage du Christ émerger des flammes. D’autres soldats couraient les cabarets en proclamant qu’une malédiction allait s’abattre sur le royaume d’Angleterre. Le bourreau, clamant partout qu’il craignait d’être damné, faillit être révoqué et emprisonné. Un religieux, le frère Bosquier, n’hésita pas à révéler sur une place publique que le procès de la Pucelle était un tissu d’iniquité ; il échappa aux foudres de l’évêque Cauchon en prétendant qu’il était ivre ; on le jeta en prison pour quelques mois.
    Certains s’indignaient que l’on eût jeté à la Seine les restes de Jeanne au lieu de les ensevelir en terre consacrée. Au lendemain du supplice, des gardes chassèrent des femmes qui venaient recueillir les cendres du bûcher.
    Le sentiment général était la honte.
    Les religieux furent les premiers à la ressentir. Alors que les flammes arrachaient ses premiers cris à la Pucelle, ils n’avaient pu résister à l’émotion qui les étreignait et avaient pris la fuite en se répétant la malédiction que Jeanne avait lancée à Rouen. Nicolas Midi, l’un des contempteurs de la victime, fut des premiers à subir un châtiment : peu de temps après, atteint de la lèpre, il allait finir ses jours dans une maladrerie. L’adversaire le plus coriace de Jeanne, le promoteur-procureur Jean d’Estivet, mourait dans la misère quelque temps plus tard. Le duc de Bedford, Régent de France, tomba gravement malade.
    Châtiments célestes, faits du hasard ? Bien malin qui aurait pu répondre.
     
    Il fallait songer à faire sacrer le jeune roi qui commençait à donner des signes de dérangement.
    À Reims ? Impossible : la ville était toujours occupée par les Français. On choisit Notre-Dame de Paris. En décembre, alors qu’il faisait son entrée dans la capitale sous une pluie battante et longeait les murailles de l’hôtel Saint-Pol, sa grand-mère impotente, la reine Isabeau, mère du roi Charles, se contenta de lui faire un signe de la main depuis sa fenêtre. Durant cette première journée et dans les jours qui suivirent, la foule ne lui montra qu’indifférence et hostilité. Le festin du sacre fut un désastre. L’enfant roi quitta la ville avant Noël, tête basse. Il gardait en mémoire les propos de la Pucelle qu’on lui avait rapportés : que les Anglais quitteraient la France avant sept ans.
    On n’annonça le supplice de Jeanne au roi Charles qu’avec beaucoup de ménagement. On attendait des larmes ; il dit simplement, sans émotion apparente, que cela devait finir ainsi, qu’elle avait prévu et accepté cette fin, qu’elle n’était victime que d’elle-même. Le seul soupir qu’il poussa ne fut que de soulagement. Il pria son entourage de ne plus lui parler d’elle.
    Charles avait d’autres préoccupations : le mariage, trois mois après la mort de Jeanne, d’une fille de Madame Yolande, que l’on appelait à présent la Vieille Reine, avec un héritier de Bretagne. Avec son goût du faste Madame Yolande avait vu grand : le 20 août la bonne noblesse de France envahit Amboise.
    Dans le courrier qu’elle adressait à son gendre, pas une seule fois elle ne mentionna le nom de la Pucelle. Elle aurait sans doute aimé n’en garder aucun souvenir, alors qu’elle avait été l’instigatrice de l’épopée. Lorsque sa fille, Marie, l’épouse de Charles, se hasardait à parler de Jeanne elle la faisait taire et lui disait :
    – J’avais
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