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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles
Autoren: Michel Zévaco
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de sang. Le sang qu’il perdait par le front, surtout, l’incommodait, l’aveuglait…
    Il voulut s’essuyer de sa main gauche.
    Cette main était rouge elle-même, et lorsqu’il la retira de son visage, ce visage apparut comme le masque de la Mort Rouge, si horrible, si étincelant, si formidable, qu’il y eut dans la meute un frisson d’horreur et un recul…
    Triboulet descendit encore quelques marches.
    Maintenant, il était presque à la dernière marche.
    D’un bond, il eût pu sauter dans le parc, se perdre dans la nuit, se sauver… Il demeura…
    – C’est le démon, vociféraient les courtisans affolés.
    – Allons donc ! ricana Triboulet, un démon pour vous ? Vous vous vantez ! Valetaille, c’est un bouffon… Attention, laissez passer François de Valois qui veut me voir de près…
    En effet, à ce moment, François I er , écartant la cohue, descendait, la main crispée sur son poignard, ivre de rage.
    – Prenez garde, sire ! supplièrent les courtisans tout en lui livrant passage.
    En quelques instants, le roi et le bouffon se trouvèrent face à face, et il y eut comme une trêve, – un arrêt brusque parmi les assaillants.
    Le roi jeta une sorte de grognement que nul ne comprit. Mais Triboulet comprit !…
    Le grognement, voix effroyable, sans expression ni sens, appelait la fille de François I er – la fille de Triboulet !
    – Gillette ! Où est Gillette ?… rugissait le roi.
    – Merde ! tonna le bouffon dans un si formidable grondement qu’il sembla qu’on eût entendu la foudre.
    Livide, le roi leva son poignard.
    Mais, avant que l’arme ne se fût abattue, le bouffon, grandissant sa taille déjetée, d’un geste de tempête, lança son épée à toute volée sur la foule des courtisans entassés derrière François…
    Avant que l’arme ne se fût abattue, la main du bouffon, toute grande ouverte, s’abattit, claqua, retentit sur le visage du roi, d’un si terrible soufflet qu’il sembla à la foule des courtisans que les murailles du château s’écroulaient pour cacher au monde l’effroyable éclat de ce sacrilège.
    Sur Triboulet maintenant désarmé, la ruée de l’escalier noir de gens affolés fut un spectacle de délire…
    Il était debout, sanglant, sublime. Il avait croisé les bras.
    Le mascaret humain dévala sur lui. Cent poignards jetèrent des lueurs d’éclairs. Triboulet tomba.
    Plus de vingt coups de poignard le trouèrent, le percèrent à la gorge, à la poitrine, aux épaules, au ventre…
    Sa bouche, crispée par l’agonie cracha violemment…
    Les visages penchés sur lui reçurent la tragique et rouge insulte… Il mourut… au moment où ses lèvres apaisées cherchaient, dans un frémissement suprême, à murmurer :
    – Adieu, Gillette… ma fille…
    Ce fut ainsi que sa pauvre âme héroïque s’exhala en même temps que le nom de celle qui avait été tout son amour, toute sa vie…
    q

Chapitre 40 UN JOUR D’ETE
    O n a vu que Manfred, emportant Gillette sur ses épaules, descendit l’escalier, entouré de Ragastens, Lanthenay, Spadacape et Madeleine Ferron qui, dans une épique ruée, s’étaient frayé un passage à travers les courtisans réveillés et accourus au bruit de la lutte dans l’antichambre.
    Ils atteignirent donc le parc qu’ils traversèrent de biais en courant, conduits par Madeleine Ferron…
    Celle-ci, au bout d’une vingtaine de pas, s’arrêta.
    – Adieu ! dit-elle à Ragastens. Adieu à jamais !…
    – Venez ! venez ! supplia le chevalier.
    – Partez ! Si vous vous arrêtez, vous vous perdez, vous et vos compagnons : ma destinée est liée à celle du roi. Je reste, quand bien même je devrais être foudroyée à l’instant. Partez ! Adieu !
    Le chevalier comprit que rien au monde ne pourrait ébranler une telle résolution.
    – Ecoutez, dit-il rapidement. Je comprends votre projet. Si vous réussissez, si vous êtes saine et sauve, venez vous réfugier en Italie, à Monteforte… Maintenant, adieu, pauvre femme ! Victime de votre haine… de votre amour !
    Quelques minutes plus tard, ils atteignirent tous la chaise du voyage. Manfred jetait Gillette évanouie dans les bras de Margentine, et Spadacape prenait place sur le siège. Ils s’apprêtaient à sauter sur leurs chevaux et à fuir.
    A ce moment, Ragastens saisit le bras de Manfred.
    – Fleurial ! dit-il.
    Triboulet n’était pas avec eux !
    L’abandonner ? Fuir sans lui ?… La pensée ne leur en vint pas.
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