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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles
Autoren: Michel Zévaco
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alors les flammes éclairaient de reflets rouges les maisons qui bordaient le vaste quadrilatère, maisons lézardées, lépreuses, dont les fenêtres noires semblaient des yeux louches fixés sur la place.
    Autour de chaque feu grouillait une vraie foule et autour de grandes tables, des hommes à figures sinistres, des femmes à physionomies fatiguées chantaient d’une voix éraillée et vidaient leurs gobelets d’étain, qu’au fur et à mesure les ribaudes remplissaient de vin.
    D’autres, assis sur le sol détrempé, fourbissaient des rapières ou aiguisaient des poignards.
    Quelques-uns chargeaient des arquebuses.
    Ragastens et Spadacape passèrent au milieu de ces groupes sans que personne parût faire attention à eux.
    En effet, du moment qu’ils étaient là, c’est qu’ils avaient dû donner de bonnes raisons aux sentinelles.
    Ragastens examinait avec une avide attention ces groupes bizarres qui formaient, dans la lueur des brasiers un ensemble fantastique.
    Il cherchait à reconnaître parmi ces sombres figures, parmi ces farouches physionomies, la figure ouverte, riante et énergique du jeune homme qu’il avait tiré du charnier de Montfaucon.
    Mais arriverait-il à le reconnaître, même s’il le voyait ?
    Au centre de la place, un groupe plus nombreux et plus intéressant attira son attention. Là, on ne buvait pas, on ne chantait pas. Et ce groupe, composé de deux à trois cents hommes, semblait, écouter avec attention quelqu’un qui parlait.
    Ces hommes étaient tous armés solidement.
    La plupart portaient des cuirasses.
    Ils constituaient en somme la véritable armée de la Cour des Miracles.
    Ragastens s’approcha, se faufila à travers les rangs serrés et parvint aux premières places.
    Au centre de ce groupe, dans un assez large espace laissé vide, se dressait une sorte d’échafaud composé de planches posées sur des tonneaux vides.
    Sur cet échafaud, il y avait une chaise, et sur la chaise un homme assis parlait à voix assez haute pour être entendu de tout le groupe. Ragastens le reconnut immédiatement. Cet homme, c’était Tricot.
    Au silence attentif qui régnait autour de lui, Ragastens devina de quelle autorité jouissait ce brigand.
    Auprès de l’échafaud, quelques hommes attendaient, peut-être pour parler à leur tour à cette espèce d’assemblée de notables ; car, à la Cour des Miracles comme partout ailleurs, on retrouvait une hiérarchie sociale, atténuée il est vrai par l’indépendance dont chaque membre de la confrérie pouvait se réclamer.
    – Je me résume, disait Tricot, achevant une harangue commencée depuis quelques minutes. On ne nous attaquera pas ; on n’osera pas ! Nous avons des privilèges consacrés par l’usage de plusieurs siècles ; nous avons mieux encore, nous avons la force ! Donc, je dis que nous n’avons rien à craindre. Mais s’il est impossible que le grand prévôt ait perdu toute prudence au point de risquer une attaque violente contre le royaume d’Argot, comprenez aussi que vous ne devez pas vous livrer à des provocations dangereuses. Je propose donc que les barricades, qui sont une sorte d’insulte inutile adressée au grand prévôt, soient démolies à l’instant, et que chacun déposant ses armes rentre dormir tranquillement. J’ai dit.
    Un murmure approbateur circula dans les rangs des truands, mais tel que pouvait être le murmure de loups assemblés, c’est-à-dire qu’on entendit un grondement qu’un profane eût pu prendre pour l’expression de la rage et non de la faveur.
    Une voix jeune et forte domina tout à coup ce tumulte.
    – Frères, disait-elle, le bon Tricot se trompe. Je jure que vous serez attaqués avant peu. Je propose au contraire de renforcer nos barricades. Ragastens fut secoué d’un profond tressaillement. Il se haussa sur la pointe des pieds et vit un jeune homme qui au pied de l’échafaud, appuyé sur sa rapière, parlait.
    C’était Manfred.
    Le cœur du chevalier se mit à battre.
    Non, il n’était pas possible que cette figure franche, ouverte et hardie fût la figure du bandit que Tricot avait dépeint chez Monclar.
    Emporté par un irrésistible élan de sympathie, Ragastens s’élança dans l’espace laissé vide et s’arrêta devant Manfred.
    Il y eut un instant de silence et de stupeur.
    Manfred, voyant deux hommes armés s’élancer vers lui, avait froncé les sourcils. Il allait crier « Trahison ! » lorsque le chevalier lui dit
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