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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles
Autoren: Michel Zévaco
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embarrassé, se tourna vers Tricot :
    – Avoue donc, maître fourbe…
    – Avouer, c’est mourir, dit Tricot à voix basse. Monseigneur, sauvez-moi, par pitié !…
    Ragastens se tourna alors vers l’étrange tribunal et voulut parler pour demander la grâce du roi d’Argot.
    Malheureusement pour celui-ci, ses paroles avaient été entendues par quelques-uns des plus rapprochés.
    – Il a avoué ! hurlèrent-ils A mort ! A mort !
    En un instant, Tricot fut saisi et placé sur l’escabeau. Ragastens s’apprêta à défendre l’infortuné. Mais au moment où il allait tirer sa rapière, il se sentit saisi par le bras.
    – Laissez faire, monsieur, dit Manfred. Autant vaudrait essayer d’arrêter un torrent… Voyez !… Et puis, le personnage n’en vaut pas la peine…
    Or, tandis que Manfred parlait ainsi, une scène inouïe, affreuse, commençait à se dérouler. Une dizaine de truands, avons-nous dit, avaient saisi Tricot, l’avaient entraîné à la potence, l’avaient placé sur l’escabeau – sinistre marchepied de la mort – et s’apprêtaient à lui passer autour du cou le nœud coulant.
    – Grâce ! Laissez-moi vivre ! râlait le malheureux.
    A ce moment, une centaine de ribaudes se précipitèrent vers la potence en hurlant :
    – Il ne faut pas qu’il meure de la mort des braves !
    Elles saisirent l’ancien roi d’Argot et l’entraînèrent vers l’un des coins les plus obscurs de la Cour des Miracles.
    Quel acte de justice sommaire, fruste et primitive, accomplirent ces Euménides aux cheveux flottants, impudiques avec leurs seins nus, hideuses et superbes ?
    On entendit les clameurs d’épouvante de Tricot et les clameurs de rage des ribaudes…
    Puis, la voix du roi d’Argot s’éteignit, sombra, pourrait-on dire.
    Et quelques moments plus tard, on vit cinq ou six ribaudes sanglantes jeter au loin les membres d’un cadavre.
    L’avaient-elles donc écartelé ?
    S’étaient-elles attelées à ses quatre membres comme des juments qu’affolent les coups de fouet du bourreau ?
    L’avaient-elles haché en quartiers ?
    On ne sut jamais au juste.
    Mais un truand, sorte de brute monstrueux, géant d’autant plus semblable à quelque antique cyclope qu’il était borgne, revint tranquillement vers la potence.
    Il s’appelait Noël le Borgne.
    A deux pas de la potence, l’étendard des truands était fiché en terre. Cet étendard se composait d’une lance au fer de laquelle était planté un quartier de charogne, quartier de cheval abattu ou de chien tué…
    Or, Noël le Borgne saisit la lance, enleva le quartier, le remplaça par quelque chose qu’il cachait dans son manteau, puis remit l’étendard à sa place.
    Un immense et féroce hurlement des ribaudes et des truands salua le nouvel étendard.
    Ce quelque chose que Noël le Borgne avait planté au fer de la lance, c’était la tête de Tricot, roi d’Argot…
    Ragastens avait pâli.
    – Il est onze heures et demie, dit-il, venez, il est grand temps.
    Manfred secoua la tête.
    – Je reste, dit-il.
    – Mais toutes les forces du grand prévôt vont attaquer…
    – C’est pour cela que je reste.
    – Vous êtes donc réellement des leurs ? Vous êtes donc bien vraiment un truand ?
    – Je ne suis pas truand, répondit tranquillement Manfred, mais j’ai été élevé parmi ces malheureux ; je n’ai jamais vu que des sourires pour moi dans leurs yeux, et leurs mains violentes ont pris pour moi, lorsque j’étais enfant, l’habitude des caresses…
    – Parlez ! parlez encore ! fit Ragastens.
    – Ce sont des malheureux, continua le jeune homme, et je les aime comme ils m’ont aimé. Ils ont besoin de moi ce soir. Je mourrai avec eux, s’il le faut… Merci, monsieur, de votre bon avertissement… Je vous suis deux fois reconnaissant, s’il est possible… mais je reste…
    – En ce cas, je reste aussi, dit Ragastens.
    Manfred poussa un cri de joie.
    – Avec une épée comme la vôtre, nous sommes sauvés, s’écria-t-il.
    Et il appela Lanthenay.
    – Frère, voici l’homme généreux dont je t’ai si souvent parlé…
    Lanthenay jeta un regard d’admiration et de reconnaissance sur le chevalier auquel il tendit la main.
    – Monsieur, dit-il, Vous êtes un héros. Grâce à vous, mon frère vit encore…
    – Votre frère ? demanda vivement Ragastens.
    – Oui, nous nous donnons ce nom, Manfred et moi, bien que nous ne soyons pas du même sang, au moins selon toutes
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