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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812
Autoren: André Castelot
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propres blessés...

    À la sortie
de la ville sur la route de Kowno, l'artillerie de la Garde et les
derniers fourgons impériaux ne peuvent gravir la côte
verglacée du défilé de pont. Il faut se défaire
des canons et l'on éventre les sacs contenant le trésor.
« Les soldats de l'arrière-garde, qui passaient
devant ce désordre, écrit Ségur, horrifié,
jetèrent leurs armes pour se charger des butins ; ils s'y
acharnèrent si furieusement qu'ils n'entendirent plus le
sifflement des balles et le hurlement des cosaques qui les
poursuivaient. » Des rouleaux de napoléons changent
plusieurs fois de mains en quelques minutes. « Je passais,
nous dit le lieutenant Chevalier, près des caissons d'or que
l'on pillait et je marchais sur les pièces de monnaie sans
daigner en ramasser. Qu'en aurais-je fait ? Si c'eût été
des biscuits, à la bonne heure ! »

    Désormais,
il n'y a plus d'artillerie. Ney, qui veille sur quelques canons, a
été obligé de les abandonner. On voit même
le maréchal Victor marcher seul vers Kowno,
l'arrière-garde qu'il commandait l'ayant quitté.

    Le maréchal
Berthier pouvait adresser à l'Empereur son ultime rapport :

    « Je
dois dire à Votre Majesté que l'armée est dans
la débandade la plus complète ainsi que la Garde, qui
ne se compose plus que de quatre ou cinq cents hommes . Les
généraux et les officiers ont perdu tout ce qu'ils
possédaient, la plupart d'entre eux ont telle ou telle partie
du corps gelée. Les routes sont jonchées de cadavres,
les maisons sont bondées de mourants. Toute l'armée ne
représente plus qu'une colonne étirée sur une
longueur de quelques lieues, qui part le matin et s'arrête le
soir sans avoir aucun ordre ; les maréchaux marchent avec tout
le monde... Sire, l'armée n'existe plus !  »

    Il suffit de
rappeler ce chiffre de quatre ou cinq cents survivants de la
Garde, un corps de trente-cinq mille hommes, le corps le plus
favorisé de l'armée, pour se convaincre que la retraite
de Russie fut bien la plus terrible des épreuves endurées
par les combattants de tous les temps.

    Quel était
le nombre des rescapés ?

    Assurément
pas plus de vingt mille. Voilà tout ce qui subsistait de
l'amée de quatre cent mille hommes qui avait franchi le Niémen
quelques mois auparavant !

    « Ce
fut au clair de lune, écrit Fezensac, que je repassai le
Niémen en me rappelant le soleil brillant et ce formidable
orage qui avaient signalé notre invasion fatale. Elle
n'existait plus, l'armée brillante, innombrable et terrible
que naguère ces plaines et ces rivages ne pouvaient contenir,
qui débordait de toutes parts, et qui, dans la témérité
de son orgueil, s'était comme chargée d'accomplir à
sa guise les destinées du monde... Elle n'existait plus. Les
combats l'avaient décimée sans la vaincre ; mais le
vent du nord, ou peut-être la voix de Dieu, avait passé
sur elle. »

    L'armée
laissait en Russie des prisonniers, officiers blessés pour la
plupart, qui ne seront libérés qu'en 1814. certaines
refuseront de regagner la France, se fixeront en Lituanie ou en
Pologne et y feront souche. Leurs descendants sont appelés
aujourd'hui des bérézinas...

    Le jeudi 10
décembre, les cosaques de Platov occupent Vina, suivis trois
jours plus tard par le maréchal Koutouzov et par Wilson : « Je
suis entré à Vilna, écrit ce dernier, le long
d'une route couverte de cadavres gelés qui se tordaient dans
une atroce agonie. L'entrée était littéralement
embouteillée de cadavres d'hommes, de carcasses de carrioles,
de canons, de charrettes... et les rues étaient pleines de
traîneaux chargeant les morts qui bloquaient la circulation. »

    Le soir du 15
décembre, à Gumbinnen, le général Mathieu
Dumas vit arriver dans la salle où il dînait un
véritable sauvage, le visage mangé par la barbe, les
cheveux en broussaille, et vêtu d'une redingote déchirée.
Il s'apprêtait à faire jeter dehors ce vagabond lorsque
celui-ci lui demanda :

    – Eh quoi,
Dumas, vous ne me reconnaissez pas ? Je suis l'arrière-garde
de la Grande Armée, je suis Michel Ney. J'ai tiré le
dernier coup de fusil sur le pont de Kowno. J'ai jeté dans le
Niémen la dernière de nos armes et je suis venu
jusqu'ici à travers bois. Et maintenant que je me suis
présenté, j'ai faim... Faites-moi donner une assiette
de soupe !

    *****

    Le lundi 21
décembre, le tsar Alexandre, en marche vers Vilna, trace ces
lignes destinées à Koutouzov
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