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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812
Autoren: André Castelot
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secrétaires d'ambassade, un
taffetas noir enveloppait sa tête, le visage étroit
comme perdu dans l'épaisseur de la fourrure... »

    – Ah ! C'est
vous. Caulaincourt, s'exclame Pradt, revenu de sa stupeur. Où
est l'Empereur ?

    – À
l'hôtel d'Angleterre. Il vous attend.

    – Pourquoi
n'êtes-vous pas descendu au palais ?

    – Il ne veut
pas être reconnu.

    – Avez-vous
tout ce qu'il vous faut ?

    – Donnez-nous
du vin de Bourgogne et de Malaga.

    – La cave,
la maison, tout est à vous. Et, où allez-vous comme
cela ?

    – À
Paris.

    – Et l'armée
?

    – Il n'y en
a plus...

    Un quart d'heure
plus tard, Pradt se trouve devant l'Empereur : « Il était
dans une petite salle basse, glacée, les volets à demi
fermés pour protéger son incognito. Une mauvaise
servante polonaise s'essoufflait à exciter un feu de bois
vert. » Comme à son ordinaire Napoléon se
promène dans la chambre : « Sa tête était
couverte d'une espèce de capuchon fourré et ses bottes
de cuir étaient enveloppées de fourrures. »

    Peu après,
le ministre des Finances, le comte Stanislas Potocki, vient les
rejoindre et félicite l'Empereur d avoir échappé
à tant de dangers.

    – Des
dangers ? Pas le moindre, riposte-t-il. Je vis dans l'agitation. Il
n'y a que les rois fainéants qui engraissent dans leurs
palais. Moi, c'est à cheval et dans les camps. Du sublime au
ridicule, il n'y a qu'un pas. Je vous trouve bien alarmé ici.

    – Nous ne
savons, explique timidement Potocki, que ce qu'apporte les bruits
publics.

    – Bah !
l'armée est superbe. J'ai cent vingt mille hommes. J'ai
toujours battu les Russes. Ils n'osent pas tenir devant nous. ce ne
sont plus les soldats de Friedland et d'Eylau. On tiendra dans Vilna.
Je vais chercher trois cent mille hommes. Le succès rendra les
Russes audacieux. Je leur livrerai deux ou trois batailles sur
l'Oder, et dans six mois je serai encore sur le Niémen. Je
pèse plus sur mon trône qu'à la tête de mon
armée. Sûrement je la quitte à regret. Mais il
faut surveiller l'Autriche et la Prusse... Tout ce qui arrive n'est
rien. C'est un malheur. C'est l'effet du climat. L'ennemi n'y est
pour rien. Je l'ai battu partout...

    Les deux ministres
ne parviennent pas à se montrer souriants... Quant à
lui, il s'étourdit de paroles, se refusant à voir la
tragique vérité.

    – J'en ai vu
bien d'autres, reprend-il. À Marengo, j'étais battu
jusqu'à 6 heures du soir. Le lendemain, j'étais maître
de l'Italie. À Essling, j'étais maître de
l'Autriche... Je ne puis pas empêcher que le Danube grossisse
de seize pieds en une nuit. Ah ! Sans cela, la monarchie autrichienne
était finie. Mais il était écrit au ciel que je
devais épouser une archiduchesse.

    Le voici
maintenant jouant la comédie de la gaieté :

    – De même
en Russie, je ne puis pas empêcher qu'il gèle. On vient
me dire tous les matins que j'ai perdu dix mille chevaux dans la
nuit. Eh bien, bon voyage ! Peut- être dira-t-on que je suis
resté trop longtemps à Moscou. Oui, peut-être.
Mais il faisait beau. La saison a devancé l'époque
ordinaire. J'y attendais la paix... Qui ne hasarde rien n'a rien...
Je faisais une guerre réglée à l'empereur
Alexandre. Mais aussi, qui aurait cru que l'on frappe jamais un coup
comme celui de l'incendie de Moscou ? Maintenant ils nous
l'attribuent. Mais ce sont bien eux...

    Le maigre feu
s'éteint. Le froid gagne les assistants sauf l'Empereur qui ne
s'en aperçoit pas : il se réchauffe à force de
parler et de marcher d'un mur à l'autre de la pièce :

    – Je ne me
suis jamais mieux porté, conclut-il.

    « Telles
furent ses dernières paroles, racontera Pradt. Aussitôt,
il monta dans l'humble traîneau qui portait César et sa
fortune, et disparut. Un choc violent manqua le renverser en
franchissant le seuil de la porte. »

    *****

    Il lui tarde
maintenant de se trouver en Saxe. L'Empereur a pour toute escorte
deux gendarmes assis à moitié gelés sur le siège
et que l'on a ramassés à Glogau.

    – Si les
Prussiens nous arrêtaient, imagine-t-il en riant, ils me
livreraient aux Anglais.

    – C'est
possible !

    – Vous
figurez-vous, Caulaincourt, la mine que vous feriez dans une cage de
fer, sur la place de Londres.

    – Si c'était
pour partager votre sort, Sire, je ne me plaindrais pas !

    – Il n'est
pas question de se plaindre, mais d'une chose qui peut arriver à
l'instant et de la figure que vous feriez dans cette cage, enfermé
comme un
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