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La campagne de Russie de 1812

La campagne de Russie de 1812

Titel: La campagne de Russie de 1812
Autoren: André Castelot
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nomme. Le suisse refuse de reconnaître,
en ce spectre, le grand écuyer. Enfin, à demi
convaincu, il laisse passer l'équipage qui s'arrête en
bas du grand escalier.

    Encore coiffé
de son pittoresque bonnet de fourrure, avec une barbe de quinze
jours, le col enfoncé dans sa pelisse, l'Empereur apparaît
à la portière. Le piqueur Amodru qui, depuis Smorgoni,
galope devant l'équipage, déplie le marchepied, puis
s'effondre, ivre de fatigue.

    – Bonsoir,
Caulaincourt, lance Napoléon, vous avez grand besoin de repos.

    Puis il entre dans
l'appartement de Marie-Louise.

    Dès le
lendemain même de son retour, le samedi 19 décembre,
fatigué et soucieux – on l'eût été à
moins ! – il réunit ses ministres :

    – Eh bien,
messieurs, la fortune m'a ébloui. Je me suis laissé
entraver au lieu de suivre le plan que j'avais conçu. J'ai été
à Moscou, j'ai cru y signer la paix et j'y suis resté
trop longtemps. J'ai cru obtenir en un an ce qui ne devait être
exécuté qu'en deux campagnes... J'ai fait une grande
faute, mais j'ai les moyens de la réparer.

    Il estime avoir
suffisamment battu sa coulpe devant ses ministres. À leur tour
d'être confondus, et, sans plus tarder, il leur parle de
l'affaire Malet.

    – Vos
serments, vos principes, vos doctrines ! Vous me faites frémir
pour l'avenir !

    *****

    L'Empereur croyait
les échappés de la Bérézina en Lituanie.
Il tombe de haut en apprenant que Murat a abandonné « le
squelette disloqué » de la Grande Armée, en
laissant le commandement à Eugène.

    – Eh bien,
Caulaincourt, s'exclame l'Empereur, le roi à quitté
Vilna ! Il n'a pris aucune disposition. L'armée, la Garde se
sont sauvés devant quelques cosaques. Le froid a fait perdre
la tête à tout le monde. Il n'y a pas d'exemple d'un
semblable sauve-qui-peut, d'une telle bêtise ! Ce que cent
hommes de courage eussent sauvé a été perdu au
nez de plusieurs milliers de braves par la faute de Murat. Un
capitaine de voltigeurs eût mieux commandé l'armée
que lui.

    Le courrier
suivant lui apporte ce nouveau rapport de Berthier. Il est dramatique
: « Sire, la situation pénible dans laquelle se
trouve votre armée depuis quelque temps est bien aggravée
depuis deux jours. ce matin, le thermomètre était à
moins 22 degrés. Nous avons rencontré plus de cent
cinquante hommes morts ou mourant de froid sur la route. Un tiers des
chevaux existants sont morts. Presque tous les hommes du train des
équipages ont disparu. Les canonniers seuls, soutenus par
l'honneur, conduisent les chevaux, mais plusieurs succombent, ne
pouvant même plus tenir leur bride ! Beaucoup de personnes de
la maison de Votre Majesté, des généraux et
officiers supérieurs, ont les pieds et les mains gelés.
Dans le moment où j'écris à Votre Majesté,
le thermomètre est à moins 24 degrés. La nuit
coûtera la vie à beaucoup d'hommes et de chevaux. Les
gens du pays sont étonnés eux-mêmes d'un froid
aussi rigoureux et aussi subit. Les hommes saisis de froid sont
étourdis ; ils tombent avec un saignement de nez et ils
succombent sans qu'on puisse les sauver. Il serait impossible au
soldat de se servir de son arme. Il faut le dire à Votre
Majesté, nous éprouvons et nous éprouverons
encore de grandes pertes. La Jeune Garde est entièrement
débandée. La Vieille présente à peine six
cents hommes réunis. La cavalerie est presque totalement
détruite. L'honneur et le courage soutiennent le physique ;
mais, dans ce moment, tout est désuni. »

    *****

    Le 6 décembre,
le thermomètre descend jusqu'à moins 26 degrés.
De l'armée d'Italie forte de quarante-deux mille hommes, il ne
reste plus que cinq ou six cents survivants.

    « Nous
arrivâmes aux portes de Vilna le 9 décembre, raconte un
vieux soldat belge de la Garde. Tout le monde voulait du pain, de la
viande, du vin, des abris ; la ville fut saccagée et les
magasins pillés. Il n'y avait plus un seul corps dont il
restât quelques débris ; plus ni divisions, ni brigades,
ni régiments, ni bataillons, plus même une compagnie.
Nous étions encore une trentaine du régiment, tout
compris, sans chefs. Plus de commandement, chacun pour soi ! »

    Les Juifs de Vilna
se déchaînent et achèvent à coups de
bottes les survivants. Après le départ de la horde, on
brûlera vingt-cinq mille cadavres, parmi lesquels se trouvaient
les corps de blessés français que les Russes avaient
jetés par les fenêtres pour faire de la place à
leurs
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