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Le Pré-aux-Clercs

Titel: Le Pré-aux-Clercs
Autoren: Michel Zévaco
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I – L’AUBERGE DU PRÉ
    On l’appelait l’auberge du Pré, sans plus. Et cela suffisait, car elle était aussi célèbre, aussi en vogue, aussi bien achalandée que la tant fameuse auberge de La Devinière. Et il n’était pas un Parisien qui ne sût que le « pré » en question désignait le prestigieux et légendaire Pré-aux-Clercs, au centre duquel elle était située.
    Après avoir franchi le mur d’enceinte, soit par la porte de Nesle, soit par la porte de Buci, parvenu à la hauteur de la rue de Seine – qui commençait alors à se couvrir de maisons – on trouvait un petit chemin. L’auberge était la seule et unique maison érigée en bordure de ce chemin étroit, défoncé, bourbeux l’hiver, poussiéreux l’été, lequel longeait, à main gauche, le mur crénelé de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, et, à main droite, une succession de prairies galeuses.
    Ces prairies, piquées çà et là d’ormes, de chênes séculaires et d’arbres fruitiers, c’était le Pré-aux-Clercs. Le chemin s’appelait Chemin-aux-Clercs. Plus tard, il devait prendre le nom de rue du Colombier. C’est aujourd’hui la rue Jacob. L’auberge du Pré se trouvait à l’extrémité du Chemin-aux-Clercs, non loin d’un autre chemin qu’on appelait de Saint-Père, du nom d’une petite chapelle à laquelle il conduisait. Ce chemin-là est devenu la rue des Saints-Pères. Vue du dehors, l’auberge avait toutes les apparences d’une petite forteresse : l’endroit était écarté et les bagarres y étaient fréquentes. À l’intérieur, elle était aménagée de manière à ce que sa riche clientèle fût assurée d’y trouver tout le confort et toute la discrétion désirables.
    Le jour où commence ce récit, le 5 mai 1560, c’était sur le Chemin-aux-Clercs – comme tous les autres jours d’ailleurs – un va-et-vient incessant de gens qui entraient à l’auberge en vogue ou en sortaient. Les couples en galante équipée se glissaient sous les tonnelles discrètes des jardins, situés sur le derrière, tandis que les hommes seuls s’entassaient dans la salle commune.
    Au moment où nous y pénétrons, elle était bondée de clients. On soupait alors à cinq heures. Il était près de six heures. C’est dire que les repas touchaient à leur fin et que les consommateurs, fortement excités par la bonne chère et de trop copieuses rasades, y menaient grand tapage.
    Une jeune fille parut sur le seuil d’une porte de service, qui donnait sur les jardins : dix-sept ans, jolie à faire rêver, vive, souple, infiniment gracieuse, avec de beaux yeux noirs à la fois hardis et tendres, espiègles et ingénus. Elle portait avec une aisance admirable le coquet et chatoyant costume des contadines de Bergame.
    La porte, dans le cadre de laquelle elle se tenait, était percée à l’extrémité du mur au fond, à quelques pas de la cheminée de droite. Dans le renfoncement produit par cette cheminée, une table était dressée. À cette table, et dissimulés derrière les caisses d’arbustes et de fleurs, deux hommes étaient assis. Le premier de ces hommes – qui avait un torse d’hercule – lui tournait le dos. L’autre lui faisait face.
    C’était un gentilhomme d’une trentaine d’années, très élégant, très joli garçon – trop beau, peut-être. Le rideau de feuillage derrière lequel il s’abritait ne lui suffisant pas, paraît-il, il avait gardé le manteau. Et ce n’est que lorsque, par suite d’un mouvement un peu brusque, ce manteau s’écartait que l’on pouvait voir un somptueux costume de soie et de velours. De son coin, sûr de ne pas être vu lui-même, il surveillait avec une sombre attention les moindres gestes d’un jeune seigneur qui soupait seul, quelques travées plus loin. Et parfois, en le fixant, son œil gris clair prenait une expression de férocité terrifiante. Et d’un geste nerveux, machinal, il relevait alors du bout des doigts les crocs d’une soyeuse moustache noire.
    Ce fut sur ce personnage, avant qu’elle ne fût entrée, que tombèrent les yeux de la jeune fille. Et une ombre de contrariété passa sur son front si pur, et elle eut un instinctif mouvement de recul. Curieuse, elle se pencha et suivit ce regard chargé de haine mortelle. Et elle vit le jeune seigneur à qui il s’adressait. Vaillante, elle refoula son appréhension et entra résolument, avec un joli geste de bravade.
    Son apparition fut saluée par des vivats et des cris de joie qui
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