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Le Pré-aux-Clercs

Titel: Le Pré-aux-Clercs
Autoren: Michel Zévaco
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passant ? »
    Il tendait la main ouverte.
    Elle ne la prit pas. Et, avec une froideur marquée, une fermeté qu’on n’eût pas soupçonnée chez une enfant de son âge, en le regardant droit dans les yeux, elle prononça :
    « Il n’y a pas si longtemps que j’ai lu dans votre main. Je n’ai rien à ajouter à ce que je vous ai dit, monsieur le baron de Rospignac. »
    Ces paroles devaient avoir un sens particulier qui fut parfaitement compris du baron de Rospignac. Il eut un froncement de sourcils inquiétant. Cependant, au coup d’œil soupçonneux qu’il lança autour de lui, elle comprit qu’elle venait de prononcer son nom à haute voix. Elle eut un bon petit sourire qui indiquait que c’était à bon escient qu’elle avait commis cette indiscrétion, et se retira sans hâte, non en personne qui fuit, mais de l’air dédaigneux de quelqu’un qui laisse tomber un entretien qui lui déplaît.
    Il eut un mouvement violent comme pour la ressaisir. Mais il se retint. Il la suivit d’un long regard chargé de menace, et murmura :
    « Non !… Le service avant tout !… »
    Guillaume Pentecôte redressa son mufle de dogue et avec son air narquois :
    « Toujours aussi fière, aussi inhumaine, dit-il. Par mes bottes, monsieur le baron, on peut dire que vous n’avez pas de chance. Pour une fois que vous vous mêlez d’être assassiné d’amour, vous allez bouter le nez sur la vertu la plus farouche du royaume.
    – Patience, Pentecôte, patience !… Je la retrouverai… Rira bien qui rira le dernier. »

II – LA BONNE AVENTURE
    Cependant, Fiorinda se dirigeait tout droit vers ce gentilhomme que le baron couvait d’un œil mauvais. Elle ne le connaissait pas. Pourtant elle s’intéressait à lui, uniquement parce qu’elle avait surpris ce regard.
    C’était un grand jeune homme, – il marquait vingt ans à peine, figure pleine, œil naïf, comme étonné, d’une inexprimable douceur, petite moustache ébouriffée comme celle d’un jeune chat. Costume de velours gris, sans ornements ni broderies, mais de l’étoffe la plus fine, la plus riche qui se pût trouver, hautes bottes de daim gris montant jusqu’au milieu des cuisses, moulant des jambes nerveuses, un peu grêles, longue et forte rapière au côté. Sous ce costume d’une opulente simplicité, il était impossible de rêver plus de grâce harmonieuse, plus de hautaine distinction alliée à plus de juvénile élégance.
    Fiorinda avait sans doute une de ces âmes d’artiste qui ne sauraient demeurer indifférentes à la vue de ce qui est vraiment beau : elle admira naïvement, sans arrière-pensée, sans songer à dissimuler son admiration.
    Lui, en entendant les exclamations grossièrement laudatives qui avaient salué son entrée, avait dressé la tête. Et il la regardait venir de son œil étonné, où se lisait un muet émerveillement. Ils eurent en même temps l’intuition de leur admiration réciproque. Et ils rougirent, comme deux enfants qu’ils étaient. Mais leurs regards demeurèrent loyalement fixés l’un sur l’autre. Ils se voyaient pour la première fois, et, comme de vieilles connaissances, ils se sourirent gentiment.
    Cette scène muette, extrêmement rapide, n’échappa pas à l’œil perçant du baron de Rospignac. Le sang afflua brusquement à ses pommettes et reflua avec la même soudaineté. Il eut un mouvement comme pour se précipiter entre eux. Il se contint, par un effort qui fit pointer la sueur à la racine de ses cheveux. Et, livide, serrant à le broyer le bras de Guillaume Pentecôte, d’une voix rauque, dans un souffle, il grimaça :
    « As-tu vu ?… ce regard !… ce sourire !…
    – Pardieu ! Je ne suis pas un aveugle, railla le truand.
    – Ils se connaissent !…
    – Cela m’en a tout l’air.
    – Ils s’aiment !…
    – Eh ! eh !… cela se pourrait, monsieur le baron. Voilà qui expliquerait l’insurmontable résistance à laquelle nous nous heurtons. »
    Le visage de Rospignac prit une expression de férocité effrayante. Et, caressant le manche de sa dague d’un geste d’une éloquence terrible, il hoqueta :
    « Et j’hésitais !… Je me mêlais d’avoir des scrupules !… Triple niais que je suis !… Par le sang du Christ ! Vous apprendrez, monsieur le comte de Louvre, ce qu’il en coûte de marcher sur mes brisées. »
    Et Guillaume Pentecôte, qui le connaissait bien, songea avec un frémissement : « Ça se gâte ! Ça se
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