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Le Pré-aux-Clercs

Titel: Le Pré-aux-Clercs
Autoren: Michel Zévaco
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n’insistèrent pas davantage.
    Elle revint au comte de Louvre qui attendait patiemment et s’excusa :
    « Je vous demande pardon, mon gentilhomme. »
    Il eut un geste de bienveillante politesse et d’un air sérieux :
    « Est-ce que vous avez l’intention de vous rendre à… l’invitation de ces gentilshommes ?
    – Non, ma foi, dit-elle. Ils sont bien trop ivres pour que je me risque en leur société. »
    Il l’approuva gravement.
    « Voyons ce que dit cette main », fit-elle de son air enjoué.
    Le comte tendit à nouveau sa main ouverte. Elle jeta les yeux sur cette main. Et son visage mobile prit aussitôt une expression de douce compassion, tandis qu’elle songeait :
    « Pauvre jeune homme ! »
    Le comte ne vit pas cet air apitoyé. Il souriait d’un air détaché, comme s’il ne prenait pas au sérieux cette consultation. Mais l’attention soutenue avec laquelle il fixait sa propre main, la légère contraction de ses traits indiquait qu’il y attachait une importance plus grande qu’il ne voulait bien le laisser voir. Surpris de ce silence prolongé, il leva la tête et avec un sourire contraint :
    « Eh bien ? fit-il.
    – Eh bien, je vois, mon gentilhomme : pas de longs voyages, rien de sensationnel une vie calme qui se prolongera longtemps sans que rien de fâcheux vienne la troubler… Car vous vivrez vieux, mon gentilhomme.
    – Je vivrai vieux ! fit-il en affectant un air sceptique. Jusqu’à cinquante ans, peut-être.
    – Davantage, monseigneur. Vous dépasserez la cinquantaine… de beaucoup.
    – Vrai ?
    – Je ne me trompe jamais !
    – À quoi voyez-vous cela ? »
    Il y eut une explication – qu’elle fit volontairement confuse – sur une interminable ligne de vie qu’elle prétendait très nette et très visible… et qu’il ne parvenait pas à voir, lui. Elle fit tant et si bien que cette ligne imaginaire, il finit par la voir… aussi clairement que le verre de Saumur pétillant qu’il avait devant lui et qu’il vida d’un trait, à la santé de la jolie diseuse de bonne aventure.
    Rayonnant, il fouilla dans une bourse de soie, gonflée de pièces d’or. Sans compter, il prit une poignée de ces belles pièces et la mit dans sa petite main. Le geste était d’une munificence royale. Il y avait là de quoi la faire vivre à son aise une année durant. Sans regarder, elle empocha tranquillement, en un geste d’indifférence superbe, en disant simplement :
    « Grand merci, mon gentilhomme. »
    Comme elle allait s’éloigner, il la retint encore. Et avec une grande timidité charmante :
    « Vous ne me dites pas… Vous ne parlez pas… »
    Il s’arrêta, rougissant et embarrassé. Elle encouragea gentiment :
    « Quoi donc, mon gentilhomme ? »
    Il prit son courage à deux mains et lança tout d’une traite :
    « Voyons, serai-je heureux en amour ? » Il tendait encore sa main.
    Elle ne la prit pas. Elle éclata de son joli rire perlé :
    « Ce n’est pas votre main qu’il faut regarder pour cela… C’est votre miroir.
    – Mon miroir ?
    – Sans doute. Consultez-le, monseigneur… Et il vous dira que lorsqu’on a votre visage, votre air et votre tournure… on n’a qu’à vouloir pour être heureux en amour. »
    Elle partit en riant.
    Il la suivit d’un long regard où se lisait une réelle et profonde sympathie, en songeant : « Voici une adorable créature ! »
    Elle, de son côté, en circulant autour des tables, se disait :
    « J’ai fait un gros mensonge… Mais j’ai fait en même temps une bonne action. Ceci compense bien cela… Grâce à l’illusion heureuse que j’ai su faire pénétrer en lui, ce pauvre jeune homme ne se doute pas qu’il est condamné… que la mort est sa fiancée – à lui qui rêve d’être heureux en amour – et qu’elle l’enlacera de ses bras décharnés et l’emportera, avant que six mois soient révolus. »

III – DE L’AUBERGE AU PRÉ IL N’Y A QU’UN PAS
    Elle allait de celui-ci à celui-là, évitant avec adresse le groupe tapageur qui semblait l’avoir momentanément oubliée. Et pourtant elle semait l’espoir et la joie.
    Elle était parvenue ainsi à la cheminée de gauche.
    Derrière les massifs de cette cheminée, il y avait un groupe de cinq personnes. Cela faisait comme le pendant du petit groupe formé à droite par Rospignac et Pentecôte.
    Quatre de ces personnages avaient dépassé la quarantaine. Gentilshommes ? Eux le prétendaient, car,
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