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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse
Autoren: Louis Noir
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comprit, il toucha le boucher à l’épaule et celui-ci se retourna.
    – Citoyen Balandrin, dit le sergent, vous n’avez jamais vu un guillotiné.
    – Non, dit le boucher. Mais ça ne tardera pas.
    – En effet, le citoyen Châlier, votre nouvel ami, et le comité central ont demandé une guillotine.
    – Elle est arrivée, je vous l’ai déjà dit.
    – Eh bien je vous prédis, moi, que Châlier l’étrennera.
    Et de rire. Comme un bon mot a toujours du succès en France, toute la patrouille fit écho. Le boucher Balandrin sortit du cercle, étendit la main vers la Saône et s’écria   :
    – Vous riez aujourd’hui, vous pleurerez des larmes de sang demain, et l’on vous jettera à l’eau, sans vos têtes.
    Et il s’en alla lui, le modéré d’hier, indigné à cette heure, plus tard héros pendant la lutte et bourreau infatigable après la victoire…

Une ci-devant
    Pendant que l’on enlevait son sauveur et qu’on le portait chez lui, la jeune femme pour laquelle il s’était fait blesser, s’en allait au bras d’Étienne Leroyer, trottinant si vite de son pas de souris, que le lieutenant en était tout essoufflé. Étienne n’était pas un aigle, mais ce n’était pas un sot. Il n’aurait pu dire si cette jeune femme était une fille d’opéra ou si c’était une vraie grande dame   : mais de la prendre pour une petite ouvrière, point si niais. Cependant il eût bien voulu savoir exactement à quoi s’en tenir.
    – Madame, demanda-t-il, nous trouverons mon père, m’avez-vous dit, là où nous allons   : mais où allons-nous   ?
    – Chez votre père   !
    – Et vous êtes attendue…
    – Si je suis attendue   ! Ah   ! lieutenant   ! si je manquais à ce rendez-vous, les invités de votre mère seraient bien inquiets et bien tourmentés   : on doit causer de choses graves chez votre père, ce soir, et sans moi pas de décision possible.
    – Pardon, Madame, je vais vous poser une question qui vous étonnera peut-être, dit Étienne.
    – Vous voulez me demander, lieutenant, s’il fera jour demain, et je vous réponds, moi, qu’il fera jour si le soleil se lève.
    – Madame, je vois que vous êtes des nôtres, et que je puis parler   : je m’en doutais, du reste, ayant surpris les signes que vous échangiez avec M. Suberville.
    – Parlez, mon cher compagnon de Jéhu, parlez. Je suis votre sœur et je crois même votre aînée dans notre société.
    – Alors, Madame, vous êtes venue pour connaître les ordres que le comte de Provence, régent du royaume, envoie aux Compagnons de Jéhu pour le Midi de la France   ?
    – Bien mieux, j’apporte ces instructions moi-même   ! Ce qui vous explique comment, trahie par je ne sais qui, je viens d’être exposée à un guet-apens préparé par les hommes du comité central.
    – Tiens   ! tiens   ! Moi qui me figurais que vous aviez eu affaire à de vulgaires malfaiteurs.
    – Que non pas, lieutenant   : les voleurs volent sans tant de mystères. Ces messieurs du comité central n’ont quelque peu d’influence que dans la municipalité, encore cette influence n’y est-elle pas aveuglément écoutée. Le maire n’est pas pour eux et il ne se prête à aucune persécution, à aucune arrestation. Une délation, dont je reconnaîtrai l’auteur, a révélé à ces hommes du Comité l’importance des ordres que j’apporte. Mais comme ni le maire, ni aucune autorité n’aurait consenti à me faire saisir et emprisonner, ces bons Jacobins ont transformé leurs mouchards en voleurs et les ont lancés sur moi. Mon bedeau, que le curé des Brotteaux m’avait donné comme un homme sûr, m’a abandonnée   : sans Saint-Giles et sans vous, lieutenant, on me jetait au fond d’une barque, on me fouillait, on ne trouvait rien du reste, car mes dépêches sont admirablement cachées, puis, comme une émigrée est moins que rien et hors la loi, on me glissait tout doucettement dans la rivière, et ma mort aurait passé pour un suicide.
    Étienne s’émerveillait du ton délibéré dont la jeune femme parlait de cette aventure qui avait failli avoir un dénouement si lugubre   ; jamais on ne se serait douté que cette charmante et délicate créature venait de voir la mort de si près. Et quelle mort   !
    – Oh madame, dit-il, j’admire votre sang-froid et votre bravoure   ; mais laissez moi blâmer votre imprudence   !
    – Quelle imprudence   ?
    – Être émigrée et accepter une pareille
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