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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse
Autoren: Louis Noir
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mission.
    – Eh, monsieur, ruinée par le séquestre mis sur mes biens, que vouliez-vous que je fisse à l’étranger   ? Je préfère encore intriguer pour la cause royale qu’être couturière à dix pences par jour à Londres comme la comtesse de Chamy, ou modiste-revendeuse comme la duchesse de Maurevers à Berlin   ; je ne déroge pas en conspirant, je joue un rôle qui a déjà été brillamment tenu par M mes de Chevreuse, de Longueville et tant d’autres.
    Étienne se rengorgea à l’idée d’être le cavalier de cette femme qui se haussait à la taille de ces héroïnes, mais il voulut au moins faire une critique, signe d’un esprit inférieur qui veut se grandir.
    – Madame, dit-il, que vous acceptiez une mission périlleuse, soit, vous êtes vaillante et je vous comprends   : mais vous risquer avec un bedeau   !
    – Si j’avais prévu une dénonciation, répliqua-t-elle, si j’avais pu soupçonner le guet-apens du comité, certes, j’aurais avisé   ; mais je vous assure que cette dénonciation n’était point dans les probabilités. Mais, comme je vous le disais, comme vous en conviendrez, Lyon, où les prêtres insermentés se promènent dans les rues ostensiblement, est une ville où il semblait inutile de multiplier les précautions. Je n’ai emmené le bedeau que pour tenir les voleurs en respect. Et se mettant à rire   :
    – Franchement, est-ce ma faute fit-elle, si cet homme, que l’on me représentait comme un César en soutanelle, n’est qu’un poltron   ; car, remarquez-le, pour lui, comme pour vous tout à l’heure, ces mouchards du comité, déguisés en mariniers, n’étaient que des voleurs de nuit. Et je ferai même, un peu plus tard, adresser mes compliments à Châlier   : l’idée de me faire attaquer par de faux voleurs est très ingénieuse.
    Se frappant le front   :
    – Eh   ! mais j’y suis   !
    – Vous y êtes, madame   ?
    – Oui… la dénonciation… une femme…
    – Vous croyez   ?
    – J’en suis sûre.
    Souriant   :
    – Une rivale   ! La maîtresse du marquis de Chavanes. Le marquis, le régent et moi, nous étions seuls dans le secret   : mais le marquis en aura parlé à sa maîtresse, et celle-ci est d’une jalousie si bête et si féroce qu’elle m’a voué une haine mortelle pour un caprice que nous eûmes par aventure, le marquis et moi, je ne sais dans quelle nuit de fête.
    Peu accoutumé au sans-façon avec lequel les femmes de l’aristocratie traitaient les questions de galanterie, Étienne était ébaubi de la confidence, il se garda de le faire voir. On était arrivé.
    – Madame, dit-il, voici la maison de mon père. Le jour où vous pourrez me faire savoir le nom de la femme charmante dont j’ai eu l’honneur d’être le cavalier ce soir, je serai heureux et fier de le connaître.
    – Lieutenant, je suis la baronne de Quercy.
    Puis, montrant une porte devant laquelle s’était arrêté le lieutenant.
    – C’est donc là   ?
    – Oui, madame.
    – Vous me présenterez vous-même à votre père, je veux lui dire tout le bien que je pense de vous.
    Étienne s’inclina et sonna.
    Ainsi donc, c’était une baronne que Saint-Giles avait sauvée. C’était une ci-devant. C’était pire ou mieux encore, c’était une émigrée, et, à coup sûr, elle conspirait, puisqu’elle allait chez M. Leroyer assister à quelque conciliabule royaliste. Car la maison de ce Leroyer était visitée souvent, le soir, par des gens à mine suspecte, ayant sous l’habit bourgeois des faces glabres de prêtres non assermentés   : d’autres, sous le modeste habit des courtiers de commerce, avaient la pétulance et les manières des marquis de l’ancien régime   ; puis c’étaient des allées et venues de femmes qui avaient dû se poudrer quelques années auparavant et qui portaient leurs petites robes de petites rentières économes en dames qui ont eu des pages pour relever les queues de leurs jupes.
    Comment, lorsque les Girondins étaient vaincus à Paris, lorsque la guillotine y fonctionnait, comment, la Terreur étant commencée, M. Leroyer, qui n’était pas brave, osait-il abriter sous son toit des complots royalistes et faire de sa maison le centre des menées cléricales   ? C’est parce que la Terreur n’avait pas encore pu s’implanter à Lyon. Le Comité central, dont Châlier était l’âme, ne pouvait compter que sur la populace et les déclassés   : les Jacobins étaient en
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