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Je suis né un jour bleu

Je suis né un jour bleu

Titel: Je suis né un jour bleu
Autoren: Daniel Tammet
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voisinage. Mon frère Lee naquit un
dimanche de mai : c’était mon exact contraire, il était joyeux, paisible
et sage. Ce fut sans aucun doute un immense soulagement pour mes parents.
    Cependant, mon comportement ne s’améliora
pas. À l’âge de 2 ans, j’avais choisi un certain mur du salon pour m’y cogner
la tête de manière répétitive. Balançant mon corps d’avant en arrière, je
projetais durement ma tête en avant selon un tempo précis et régulier. Parfois,
je me cognais si fort que j’en avais des bosses. Mon père accourait pour m’éloigner
du mur, dès qu’il entendait le son familier de ma tête contre le mur, mais j’y
revenais toujours pour recommencer de plus belle. À d’autres moments, j’entrais
dans de violentes colères, je giflais mon visage et je hurlais à pleins poumons.
    Mes parents consultèrent une spécialiste.
Elle les rassura en disant que les enfants se cognent la tête pour évacuer un
stress particulier. C’est une manière de se calmer. Elle suggéra que j’étais
peut-être frustré et pas assez stimulé. Elle promit à mes parents de les aider
à me trouver une place à la garderie. J’avais deux ans et demi. Quelques
semaines plus tard, mes parents ressentirent un grand soulagement quand le
téléphone sonna pour leur apprendre qu’une place m’était réservée.
    La naissance de mon frère conduisit mes
parents à reconsidérer leur emploi du temps. La garderie tombait à pic. Leurs
journées ne pouvaient plus ne dépendre que de moi. Petit dormeur, je me
réveillais souvent la nuit et me levais très tôt le matin. À l’heure du petit
déjeuner, mon père me donnait à manger, me lavait et me nourrissait pendant que
ma mère faisait de même avec mon petit frère. Le trajet en poussette jusqu’à la
garderie faisait presque deux kilomètres ; il fallait contourner le
cimetière quaker où l’instigatrice de la réforme des prisons du xix c siècle, Elizabeth Fry, est enterrée. Dépassant un groupe de maisons, nous empruntions
un viaduc puis un sentier piéton avant de continuer pour quelques carrefours
encore.
    La garderie fut ma première expérience du
monde extérieur et mes souvenirs de cette époque sont très forts en dépit de
leur petit nombre  – comme si de minces rayons de lumière traversaient le
brouillard du temps. Il y avait notamment un bac à sable, où je passais une
grande partie de la journée à ramasser puis éparpiller le sable car chacun des
grains me fascinait. De là me vint ma fascination pour les sabliers (la
garderie en possédait plusieurs, de tailles différentes) et je me souviens d’avoir
regardé, dans des sabliers, des grains de sable tomber les uns après les autres,
pendant qu’autour de moi les enfants jouaient entre eux.
    D’après mes parents, j’étais un solitaire
qui ne se mêlait pas aux autres. À la garderie, on leur disait que j’étais un
enfant dans son monde. Le contraste avec mes premières années devait être
frappant : quel rapport entre le nourrisson geignard, qui cognait sa tête
contre les murs, que j’étais, et le petit garçon paisible, « dans son monde »
et distant, que je devins ? Avec le recul, mes parents savent aujourd’hui
que ce changement n’était pas forcément un signe d’amélioration, comme
ils avaient voulu le croire à l’époque. J’étais presque devenu trop gentil, trop
calme, trop conciliant.
    À l’époque, l’autisme, en tant que
trouble complexe du développement de l’enfant, était encore peu connu du grand
public  – et mon comportement ne correspondait pas à ce que beaucoup de
gens considéraient comme de l’autisme. Je n’étais pas constamment en train de
me balancer, je parlais et montrais une aptitude, au moins relative, à communiquer
avec mon environnement. Il allait falloir attendre encore dix ans avant que l’autisme
de haut niveau et le syndrome d’Asperger ne soient reconnus par la communauté
médicale et le grand public.
    Mais il y avait autre chose. Mes parents
ne voulaient pas que je sois un cas à part. Ils avaient peur que l’on m’interdise
quelque chose. Avant tout, ils souhaitaient que je sois heureux, en bonne santé
et capable de mener une vie normale. Quand leurs amis, leurs familles et leurs
voisins demandaient de mes nouvelles, mes parents répondaient invariablement
que j’étais très « timide » et « sensible ». Je pense qu’ils
avaient également peur d’être stigmatisés parce qu’ils
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