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Je suis né un jour bleu

Je suis né un jour bleu

Titel: Je suis né un jour bleu
Autoren: Daniel Tammet
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de temps pour le découvrir et le comprendre.
    Bientôt, je devins un enfant plus calme
et passai le plus clair de mon temps assis dans ma chambre, à un endroit
particulier du sol, plongé dans le silence. Parfois, je pressais mes doigts sur
mes oreilles, pour encore plus de silence  – un silence qui n’a jamais été
statique pour moi mais toujours en mouvement, onctueux et transpirant tout
autour de ma tête, comme de la condensation.
    Au moment de fermer mes yeux, je l’imaginai
aussi doux et cristallin que possible. Je n’avais pas besoin de penser, cela
venait tout seul. Quand arrivait un bruit soudain, quand on frappait à la porte,
c’était douloureux comme s’il se brisait.
    En bas des escaliers, le salon était
toujours plein de livres. Mes parents étaient tous deux de grands lecteurs et
je me souviens que je m’asseyais par terre pour les regarder déchiffrer leurs
journaux, leurs livres et leurs magazines. Parfois, si j’avais été sage, j’avais
le droit de m’asseoir sur leurs genoux pendant qu’ils lisaient. J’aimais le son
des pages qu’on tourne. Les livres me devinrent très précieux, parce que chaque
fois que mes parents lisaient, la pièce devenait silencieuse, ce qui m’apaisait
et me rendait heureux.
    Je commençai à prendre les livres de mes
parents pour les entasser dans ma chambre. Un par un, je les portais dans mes
bras, jusqu’en haut. Les escaliers étaient difficiles et je négociais les marches,
une à une. Si le livre était lourd ou de grande taille, une douzaine de marches
pouvaient me prendre une minute. Certains livres étaient plutôt vieux et sentaient
le moisi.
    Dans ma chambre, je faisais des piles
jusqu’à ce que les livres me cernent de tous côtés. Quand mes parents ouvraient
la porte, ils avaient peur de renverser une de ces piles sur moi. S’ils
essayaient de reprendre ne serait-ce qu’un livre, j’éclatais en sanglots et je
piquais une colère. Toutes les pages de ces livres étaient numérotées et je me
sentais heureux, entouré par les nombres, comme enveloppé dans une agréable couverture
numérique. Longtemps avant d’être capable de lire une ligne de ces livres je
pouvais en compter les pages. Et quand je les comptais, mon esprit voyait ces
nombres comme autant de mouvements ou de formes colorées.
    Au cours de l’une de mes expéditions dans
les escaliers avec un livre particulièrement lourd, je glissai et tombai. C’était
comme si le mouvement de la chute m’avait rempli l’esprit d’éclairs de couleurs
vives et vagues  – comme si la lumière du soleil se décomposait. Je restai
assis en bas des escaliers, confus et sonné. Je ne pensai pas à appeler à l’aide
et j’attendis l’arrivée de mon père qui venait constater la raison de ce vacarme.
Je prenais rarement l’initiative de parler, de toute façon. À la suite de cet
événement, mes parents ont commencé à cacher les livres les plus lourds et les
plus grands, paniqués à l’idée que je fasse une nouvelle chute et que je me
blesse plus gravement.
    ~
    Près de la maison, il y avait un parc où
l’on pouvait se rendre à pied. Presque tous les week-ends, nous allions nous y
promener. Mes parents me déchiraient des tranches de pain de mie pour que je
les lance aux canards. Nous partions en général tôt le matin quand il n’y avait
presque personne. Ils me savaient terrifié par la foule autour de moi. Pendant
que mon frère courait, je restais assis par terre, de mon côté, arrachant les
brins d’herbe et les pétales des marguerites.
    Au parc, mon activité préférée, c’étaient
les balançoires. Mon père me soulevait dans ses bras pour m’asseoir sur la
balançoire et me poussait doucement. Quand il était fatigué et qu’il s’arrêtait
de pousser, je criais : « Encore… encore », jusqu’à ce qu’il
recommence. Il y avait aussi des chevaux de bois : je m’asseyais au centre
tandis que mes parents se tenaient de chaque côté et qu’ils faisaient lentement
tourner le manège. À mesure que les chevaux de bois tournaient, je fermais les
yeux et commençais à sourire. Je me sentais bien.
    Au retour, la rue qui longeait le parc
était parfois bruyante. Quand une voiture surgissait en émettant un grand bruit
 – comme un coup de klaxon  – je m’immobilisais, lançais mes mains et
les pressais sur mes oreilles. Souvent le bruit était plus impromptu qu’il n’était
fort. C’était surtout parce que je ne m’y attendais
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