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Je suis né un jour bleu

Je suis né un jour bleu

Titel: Je suis né un jour bleu
Autoren: Daniel Tammet
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un, mon lapin par
exemple, je le tenais par les extrémités en le balançant d’un côté puis de l’autre.
Je n’essayais jamais de le serrer contre ma poitrine, de le tripoter ou de le
lancer. L’un de mes jeux favoris était de prendre une pièce de monnaie et de la
faire rouler sur la tranche. Je la regardais, encore et encore, sans m’en lasser.
    Mes parents m’ont rappelé que j’aimais
cogner les chaussures de ma mère sur le sol, sans m’arrêter. Leur son me plaisait.
Dans la chambre, je les mettais parfois pour marcher tout doucement en rond. Mes
parents les appelaient mes « chaussures clic-clac ».
    Un jour, mon père me promenait en
poussette. Je poussai un cri en passant devant une vitrine. Sur le moment, il
hésita à entrer dans le magasin avec moi. La plupart du temps, quand mes
parents sortaient, il n’était pas question de m’emmener dans un magasin. Leurs
rares tentatives s’étaient en effet immanquablement soldées par des pleurs et
des colères. À chaque fois, ils devaient s’excuser – « Il est très sensible »,
expliquaient-ils  – et partir précipitamment. Mais cette fois, mes cris
étaient différents, déterminés. Quand finalement mon père entra, il remarqua
une grande table avec des livres de la collection enfantine des Monsieur
Madame. Il y avait Monsieur Heureux, qui était jaune et brillant,
et Monsieur Pressé qui ressemblait à un triangle violet. Il en prit un et me le
tendit. Comme je ne voulais pas le lui rendre, il finit par me l’acheter. Le
jour suivant, nous passâmes devant la même boutique et je poussai encore un cri.
Mon père entra et acheta un autre livre de la série des Monsieur Madame. Cela
devint bientôt une habitude, jusqu’à ce qu’il m’ait acheté toute la série.
    Très vite, les Monsieur Madame et
moi devînmes inséparables. Je ne pouvais pas quitter la maison sans en emporter.
Le soir, je passais des heures, allongé sur le sol avec mes livres à la main, regardant
les couleurs et la forme des illustrations. Mes parents étaient ravis de cette
obsession. Pour la première fois, je semblais heureux et apaisé. C’était aussi
une source de chantage très efficace : si je passais toute une journée
sans faire de colère, ils me promettaient de m’acheter un nouveau Monsieur Madame.
    *
    J’avais 4 ans quand nous emménageâmes
dans notre première maison au coin de Blithbury Road. C’était une vieille
demeure dont l’escalier était accessible seulement depuis un hall étroit et
indépendant, à côté du salon. En bas des escaliers il y avait la salle de bain,
pas très loin de la porte d’entrée. Quand un membre de la famille ou des amis
nous rendaient visite, ils étaient parfois surpris, au moment d’entrer, de
devoir traverser des nuages de vapeur qui venaient de la salle de bain.
    Les souvenirs de mes parents à Blithbury
Road ne sont pas heureux. La cuisine était régulièrement humide, et la maison, toujours
froide en hiver. Malgré cela, nous avions de bons voisins, dont un couple de personnes
âgées qui s’étaient entichées de mon frère et moi  – et nous gavaient de
bonbons et de limonade dès qu’ils nous voyaient dans le jardin.
    Devant la maison, mon père occupait ses
week-ends à un potager qui regorgea bientôt de pommes de terre, de carottes, de
petits pois, d’oignons, de tomates, de fraises, de rhubarbe et de chou-rave. Le
dimanche après-midi, nous mangions toujours du gâteau à la rhubarbe.
    Je partageais ma chambre avec mon frère. Comme
elle était petite, nous avions des lits superposés pour gagner un peu d’espace.
Bien qu’il soit mon cadet de deux ans, mon frère eut le lit du haut. Mes
parents avaient peur que je puisse ne pas trouver le sommeil et que je risque
de tomber.
    Je n’avais pas de sentiment particulier
pour mon frère et nous vivions des vies parallèles. Souvent, il jouait dans le
jardin pendant que je restais dans ma chambre. Nous n’avons presque jamais joué
ensemble. Quand nous le faisions, il ne s’agissait pas d’un jeu collectif :
je n’ai jamais eu le goût de partager mes jouets ou mes expériences avec lui. Avec
le recul, ces sentiments me semblent bien étranges aujourd’hui. Je comprends l’idée
de la collectivité, de partager des expériences. Même si j’éprouve parfois des
difficultés à m’ouvrir et à communiquer, la nécessité de le faire est
définitivement ancrée en moi. Cela a peut-être toujours été là, mais j’ai eu
besoin
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