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Je suis né un jour bleu

Je suis né un jour bleu

Titel: Je suis né un jour bleu
Autoren: Daniel Tammet
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avaient un enfant avec
des troubles du développement.
    L’un de mes souvenirs de mes premiers
mois de garderie concerne les différentes textures du sol : certaines
parties étaient tapissées ; sur d’autres on avait posé des tatamis. Je me
rappelle que je marchais lentement, la tête baissée, regardant mes pieds mais
surtout le sol, concentré sur chaque nouvelle sensation communiquée par la
plante de mes pieds. Parce que je gardais la tête baissée, il m’arrivait de
heurter les autres enfants ou un adulte. Mais comme je marchais très lentement,
les collisions étaient toujours insignifiantes. Je m’écartais légèrement avant
de reprendre ma route, sans un regard.
    Quand le temps était chaud et sec, on
nous permettait de jouer dans un petit jardin près de la garderie où il y avait
un toboggan, des balançoires et des jouets brillants cachés dans l’herbe, des
balles de couleur vive, des instruments de musique. Des tatamis rembourrés et
plastifiés étaient placés sous les balançoires et au bas du toboggan pour amortir
les chutes. J’adorais marcher pieds nus sur les tatamis. Quand il faisait très
chaud, mes pieds étaient en sueur et collaient. Je relevais et reposais mes
pieds, encore et encore, renouvelant sans fin cette agréable sensation collante.
    Ce que les autres enfants pensaient de moi ?
Je ne sais pas. Je ne me souviens pas d’eux. Pour moi, ils faisaient partie du
décor de mes nouvelles expériences tactiles et visuelles. Je n’avais absolument
aucun goût pour le jeu ou les activités collectives. Il semble qu’à la garderie,
on avait pris acte de mon comportement asocial car on ne m’a jamais forcé à
jouer avec les autres. Peut-être espérait-on que je m’habituerais à ces autres
enfants autour de moi et que je finirais par jouer avec eux. Mais cela n’arriva
pas.
    Mon père m’accompagnait à la garderie et
me ramenait à la maison. Il venait directement de l’usine, portant souvent
encore ses vêtements de travail. C’était quelqu’un que rien ne semblait jamais
embarrasser. Par nécessité il était devenu un homme aux multiples talents. À la
maison, il me changeait et me faisait manger. Il préparait la plupart des repas,
mon aide se limitant à déballer certaines choses. J’avais un appétit d’oiseau
et la plupart du temps je ne mangeais que des céréales, du pain et du lait. Il
fallait me faire la guerre pour que j’avale des légumes.
    L’heure du coucher était toujours une
lutte. Le plus souvent, je courais de long en large, à moins que je ne saute à
pieds joints sans m’arrêter. Quoi qu’il en soit, il fallait un bon moment avant
que je me mette au lit. Je réclamais toujours le même jouet  – un petit lapin
rouge -pour dormir. Parfois, je ne voulais pas dormir du tout : je
pleurais jusqu’à ce que mes parents cèdent et me laissent me coucher dans leur
lit avec eux. Quand je m’assoupissais, les cauchemars commençaient. Je m’en
souviens encore aujourd’hui : je rêvais d’un énorme dragon qui se tenait
au-dessus de moi. En comparaison, j’étais vraiment petit. Le même rêve revenait
nuit après nuit. J’étais terrifié à l’idée de m’endormir et d’être dévoré par
le dragon. Une nuit, pourtant, il disparut aussi soudainement qu’il était apparu.
Je continuais à faire des cauchemars, mais ils se firent moins fréquents et
moins angoissants. On peut dire que j’avais vaincu le dragon.
    Un matin, sur le chemin de la garderie, mon
père voulut faire un détour. À sa grande surprise, je
me mis à hurler dans ma poussette. Je n’avais pas encore 3 ans, mais je connaissais
déjà chaque détail du trajet. Une vieille dame s’arrêta. Elle nous regarda et
dit à mon père : « Il a une bonne paire de poumons. » Gêné, il
fit demi-tour et reprit le trajet habituel. Mes pleurs s’arrêtèrent
instantanément.
    Un autre souvenir : l’un des
assistants de la garderie qui faisait des bulles de savon. Plusieurs enfants
tendaient les mains pour les attraper au-dessus de leur tête, mais pas moi. Je
me contentais d’admirer leurs formes et leur mouvement, la manière dont la
lumière se reflétait sur leur surface mouillée et brillante. J’aimais
particulièrement le moment où l’assistante soufflait plus fort et où une série
de plus petites bulles s’envolait rapidement, à la queue leu leu.
    Je ne jouais pas beaucoup avec des jouets,
que ce soit à la garderie ou à la maison. Quand j’en prenais
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