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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé
Autoren: Jean-Pierre Charland
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    — ... Monsieur Létourneau.
    Il se retourna pour voir une vendeuse du rayon des vêtements pour enfants du magasin PICARD.
    — Mademoiselle Germaine, votre journée de travail est terminée aussi ?
    — Depuis six heures.
    La jeune femme devait avoir dix-huit ans, peut-être un peu moins. Ayant habité tous les deux la même paroisse depuis leur naissance, ils se connaissaient sans se connaître, En réalité, l’homme se souvenait d’avoir eu l’un de ses frères dans sa classe tout au long de ses études primaires. Ce compagnonnage lui avait permis de côtoyer les membres de la famille Huot à quelques reprises. Cette connivence les amenait à se saluer si par hasard ils se croisaient sur le parvis de l’église.
    Machinalement, ils se mirent en marche d’un pas égal, côte à côte. Un peu intimidée, Germaine reprit la parole :
    — Vous travaillerez au magasin encore tout l’été, je pense. Vous avez commencé ce matin?
    — Oui. Les cours se sont terminés le 22 juin, mais je me suis accordé une semaine de repos.
    — ... Je comprends, ces longues études doivent être fatigantes.
    Elle n’en était pas tout à fait certaine. Ses quelques années au couvent Saint-Charles lui paraissaient, avec le recul, bien plus faciles que la station debout dans le commerce, pendant huit heures, une fois les pauses soustraites.
    Jacques suivait sans peine le cours de ses pensées.
    — A côté du transport de meubles dans des escaliers, le cours classique n’est pas bien difficile. D’ailleurs, je ne dois pas sentir très bon, présentement.
    La sueur marquait sa chemise sous les aisselles.

    — Non, pas du tout... Je veux dire, je ne sens rien.
    Sa compagne rougit soudainement, surprise de sa propre audace. Commenter l’odeur corporelle d’un garçon ne se faisait pas. Elle eut envie de préciser que son père et ses frères se dépensaient eux aussi physiquement toute la journée. Malgré les ablutions préalables dans le lavabo, l’odeur, quand tout le monde prenait place à table pour le repas du soir, ne rappelait guère le petit étal de parfums du magasin PICARD.
    Ils atteignirent bien vite l’intersection de la 3 e Rue et de la 3e Avenue. Jacques s’arrêta en disant:
    — J’habite tout près.
    — Et moi, deux rues plus loin...
    Un bref moment, elle espéra le voir la raccompagner jusque devant sa porte, puis se trouva sotte.
    — Je vous souhaite une bonne soirée, mademoiselle.
    — ... Bonsoir.
    — Nous aurons peut-être le plaisir de faire route ensemble de nouveau.
    Le jeune homme se surprit d’avoir prononcé ces paroles.
    Il s’agissait d’une jolie fille, mais tout de même...
    — Tous les matins, je quitte la maison à huit heures trente précises.
    La précision lui rappela l’habitude de Raymond Lavallée.
    Son camarade s’arrangeait pour se trouver toujours dans le même tramway que lui. Voilà deux fois que le souvenir de l’enfant saint lui revenait dans la même journée. Il ferait disparaître son Journal, un cadeau reçu de sa mère lors du dernier Noël, dès son retour à la maison. Cette triste histoire lui laissait un trop mauvais souvenir.
    Germaine attendit vainement une réponse, puis après un nouveau «Bonsoir» murmuré, elle se remit en route.

    Un bref instant, Jacques regarda s’éloigner la jolie petite silhouette. Bien que très mal payées, les vendeuses jouissaient d’un avantage sur les autres employées de leur âge.
    En pouvant se procurer des vêtements au prix coûtant, elles affichaient toujours une élégance modeste.

    *****
    Après un moment d’hésitation, Jacques aussi se décida finalement à rentrer à la maison, une résidence unifamiliale un peu perdue dans un environnement où dominaient les immeubles locatifs de deux ou trois étages. Il se dirigea vers la cuisine où sa mère s’affairait devant un gros poêle à bois.
    — Bonjour, mon petit, dit une grosse dame dont les cheveux blonds attachés sur la nuque se marquaient maintenant de gris. Tu as eu une bonne journée ?
    — Tout à l’heure, nous sommes allés à Beauport pour livrer un piano. J’ai l’impression de l’avoir reçu sur le dos depuis un troisième étage.
    La mère abandonna un moment la préparation du repas pour lui faire la bise. Elle lui caressa ensuite la joue du bout des doigts en disant:
    — C’est triste de te faire travailler comme un esclave, mais tes études nous coûtent très cher. Si on ajoute en plus le costume, les livres...
    — Je
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