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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante
Autoren: Pierre Magnan
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Avant-propos
    C’est
l’histoire d’un arbre planté vers 1350, qui vit six cents ans, et de tout ce
qui se passe autour de cet arbre. Il existe encore mais, usant du droit du
poète, je l’ai déraciné et transplanté au château de Gaussan (mettons),
territoire de Mane. Il y a longtemps que j’avais envie d’écrire une chronique
supposée des habitants de ce château. Je ne savais comment structurer ce livre
ni quelle tonalité ni quel tempo lui préférer.
    Un jour,
je fis la connaissance (grâce à ma femme) de mon ami Pascal Menon. C’est un
bûcheron qui fait de sa forêt une œuvre d’art. Il vit dans une yourte. Il est
irréductible, passionné et émerveillé. Ce serait l’homme de demain si celui-ci
devait voir le jour. Ce Pascal est pauvre comme Job et vit comme un seigneur.
Il est, à quarante ans, le dernier représentant de cette race de poètes que
Giono a cherchée en vain sur la terre et qu’il n’a pu faire croître que dans
son imagination.
    L’été
dernier, il nous amena devant cet arbre comme s’il nous montrait une
cathédrale. Nous sommes photographiés ma femme et moi dans l’énorme excavation
de son tronc partagé en deux.
    Sans ce
chêne et Pascal Menon, cette histoire n’aurait jamais pu voir le jour. Je dis
bien « histoire » et non « roman ». Je ne suis pas un
romancier mais un simple raconteur d’histoires.
    Les
romanciers d’aujourd’hui ont accès, grâce à leurs études, à de nouvelles
sciences : psychiatrie, psychologie, psychanalyse. Les romans
d’aujourd’hui sont beaucoup mieux construits que mes histoires car je n’ai pas
fait d’études. Je suis un peintre en écriture. Un raconteur d’histoires à fleur
de peau. Mes écrits n’entrent pas très profond dans les méandres de l’âme
humaine, ses revirements, ses sautes d’humeur, ses crapuleries, lesquelles se
perpètrent en détournant la tête afin de les oublier et que le psychanalyste le
mieux aguerri ne puisse ni dépister ni même concevoir celles que l’individu
lui-même avait, cinq minutes avant de les commettre, le plus en horreur chez
son prochain.
    Moi je ne
suis qu’un témoin. Si j’en avais eu le moindre talent, j’aurais voulu être
peintre. Le peintre n’a pas besoin d’expliquer. Les limites de sa toile lui
interdisent de s’étendre et devant son œuvre, comprenne qui pourra et qui
voudra. Je me contente de peindre, en écrivant, ce que tant d’artistes ont
réussi à montrer de l’homme rien qu’en esquissant son aspect extérieur. Je
songe à Breughel l’Ancien et aux bords de Seine des guinguettes de Renoir.
Jamais l’écriture (même Proust) ne parviendra à figer ainsi un instant de la
vie sur la terre, à l’extérieur et à l’intérieur de l’être.
    Je ne
suis pas non plus un historien. Je m’accote à l’Histoire parce qu’on ne peut
pas faire autrement. J’avais décidé de mettre « histoire » sous le
titre du livre. Malheureusement, les obligations auxquelles nous contraints
désormais l’informatique ne nous permettent pas d’être libres de nos choix. Il
y aura donc « roman » sous le titre, comme tout le monde. Mais c’est
à mon corps et à mon esprit défendants. On trouvera dans cet ouvrage nombre
d’anachronismes intempestifs et des erreurs chronologiques voulues ou pas. Je
ne demande pas à être absous. J’assume. J’ai pris à l’Histoire ce qui me
captivait.
    On a
souvent l’impression que la vie des hommes illustres ou obscurs, ceux-ci sous
le vocable de « peuple », n’a servi finalement qu’à écrire un beau
livre d’images pour les descendants. Aussi me suis-je fait une histoire
particulière qui me convient mieux que la vraie. J’ai imaginé les têtes couronnées
en effleurant le moins possible leur dangereuse réalité.
     

1
    Quand
Poverello Lombroso, en ce début d’année 1349, mit pied à terre sous les
remparts de Manosque, ce fut à l’ombre d’un amandier dont les branches en fleur
encadraient étroitement la ville. On était en février et les amandiers ont
depuis toujours l’habitude de défier l’hiver. En général ils perdent dans ce
défi mais, quand ils gagnent, la profusion d’amandes suffit pendant trois ans
aux besoins du pays.
    Cette
année-là, ils gagnaient. Février avait un goût d’avril et le Poverello se
serait bien arrêté pour peindre les branches fleuries, mais il n’était pas ici
pour ça.
    Lombroso
était le peintre officiel de Gonzague, prince de Mantoue. Il
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