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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante
Autoren: Pierre Magnan
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était chargé
d’illustrer par quelques scènes des Saintes Écritures le plafond de San Andréa,
dont les murs blancs à peine secs étaient vierges de toute fresque.
    En ce
voyage, il était muni, dans les fontes de sa selle, d’un sauf-conduit destiné à
Guillaume de Venteyrol, commendataire de l’ordre des frères de Jérusalem,
communément appelés de l’Hôpital et seigneurs de Manosque ; lesquels
avaient hérité des grands biens de l’ordre frère des chevaliers du Temple
lorsque celui-ci avait été anéanti par le fer et par le feu sur la
recommandation du feu roi Philippe IV le Bel.
    À ces
Hospitaliers avaient été dévolus tous les privilèges de l’ordre déchu, y
compris celui de lever des donats, sortes d’hommes d’armes mi-moines mi-soldats
chargés d’exécuter les basses œuvres sur toutes les possessions des
Hospitaliers.
    Ce
sauf-conduit avait été accordé à grand-peine car le Poverello était frappé
d’interdit pour subversion de jouvencelle et, circonstances aggravantes, il
s’agissait d’une dame de haut parage sur laquelle le duc avait naguère jeté son
dévolu. Et bien que cette amabilité fût fort ancienne, Gonzague ne tolérait pas
qu’on accommodât ses restes. Il était d’une ombrageuse jalousie, notamment à
l’égard du Poverello, passé maître dans l’art des bonnes fortunes et dont la
jouvencelle en question n’avait pas manqué de répandre la qualité des services,
bien supérieurs, selon elle, à ceux du potentat.
    Pour
cette raison, le Poverello était à perpétuité sous la tutelle d’un gonfalonier
qui avait ordre de ne pas le perdre de vue une seule seconde et de le ramener à
Mantoue mission accomplie.
    Les deux
hommes montaient des chevaux dont le caparaçon figurait le squelette. Richement
zébré d’or et d’argent, ce caparaçon imitait en effet le crâne aux orbites
vides d’un cheval mort.
    C’était
une des idées noires de Gonzague que d’affubler ses chevaux et ses condottieri,
costumés eux-mêmes de leurs propres squelettes, avec ces défroques funèbres.
C’était un homme malade, c’était un homme méchant, c’était un homme qui aimait
faire peur. Il avait eu très tôt l’aiguillette nouée par les œuvres d’une
nourrice dont il avait mordu le sein. De sorte que ses gitons, sous peine
d’avaler la ciguë, et ses maîtresses, menacées d’estrapade, avaient ordre de
colporter à travers le duché ses exploits érotiques et de ne pas tarir d’éloges
au sortir de l’alcôve.
    Il
s’était fait ériger, piazza Filodrammatici, cette statue équestre où il montait
un étalon massif pourvu de burnes grosses comme les deux poings.
    L’enfer
toutefois hantait les nuits de ce potentat et il ne voyait que squelettes et
fantômes autour de sa personne sans attrait. Mais les artistes dont il avait su
s’entourer étaient tous, comme Lombroso, des génies capables de faire renaître
en Italie les splendeurs de la Grèce : même les squelettes simulés de
Gonzague paraissaient jouir d’une éternelle vie.
    Échapper
à un tel homme, ne fut-ce que quelques semaines, valait bien de risquer la
peste qui ravageait la Haute-Provence.
    Aussi
Lombroso s’était-il jeté aux pieds du tyran tel jour où celui-ci tenait lit de
justice.
    — Votre
grâce, lui avait-il dit, je ne pourrai terminer le plafond de San Andréa sans
une descente aux Enfers ! J’ai besoin de morts ! Par malheur, en
Lombardie, par les temps qui courent, la guerre tarde et nous avons échappé à
la grande épidémie.
    En
vérité, il avait couru après celle de Gênes mais il était arrivé trop tard, car
la peste est une étrange maladie qui foudroie mais ne s’installe pas. Elle
souffle comme un éteignoir sur le genre humain puis elle s’en va brasiller
ailleurs. Le Poverello l’avait manquée de justesse lorsqu’elle sévissait l’an
passé sur la rivière de Gênes où elle avait laissé sur place quatre-vingt mille
morts.
    Ayant
foudroyé la Ligurie, l’épidémie balançait si elle jetterait ses filets à droite
ou à gauche de la Méditerranée. Un événement la détermina : Gênes
regorgeait de galériens et manquait de galères, Marseille regorgeait de galères
et manquait de galériens. On avait négocié au plus juste quelques échanges de
chiourme entre Marseille et Gênes.
    Quand les
galères génoises apparurent devant Marseille, les galériens n’étaient plus que
de solides gaillards qui avaient réchappé. Ils ne firent que
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