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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion
Autoren: Ron Hansen
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un regard qui semblait signifier :
« Où est le problème ?
    — Pourquoi ne pas être allée chercher de l’aide auprès
de votre mari ?
    — La chambre de Lorraine était juste là, sur la droite.
    — Mais votre propre chambre était à moins d’un mètre.
    — Le premier souci d’une mère est son enfant.
    — C’est vous qui avez verrouillé sa porte cette
nuit ?
    — Je ne m’en souviens pas.
    — Parce que c’était une bonne idée, quand même. Comme
ça, ces gigantesques Italiens ne risquaient pas de déranger votre fille. »
    Ruth se borna à le dévisager.
    S’apercevant qu’elle se renfermait en elle-même et qu’elle
ne lui révélerait plus grand-chose ce matin-là, Arthur Carey changea de ton et
de sujet.
    « Quel était le salaire de votre époux au magazine Motor
Boating  ?
    — Cent quinze dollars par semaine.
    — Et quel était le budget du foyer ?
    — Qu’est-ce que vous voulez dire ?
    — Combien vous donnait-il pour les courses, les
factures, les faux-frais ?
    — Quatre-vingt dollars.
    — Par semaine ? »
    Elle hocha la tête. Elle paraissait fière, voire enjouée, de
se retrouver en terrain aussi familier.
    « Votre mari avait une assurance sur la vie en cas
d’accident, non ?
    — Bien sûr.
    — De quelle valeur ?
    — Mille dollars, avança-t-elle.
    — Ça représente quoi, ça ? Deux mois et demi de
salaire à peine ? C’était suffisant ?
    — En fait, elle était de mille dollars, mais j’oubliais
qu’il y avait eu du changement. »
    Elle finit par avouer qu’il existait en fait trois
contrats : le premier, de mille dollars, qu’Albert avait complété par un
second de cinq mille dollars, puis par un troisième de quarante-cinq mille
dollars. Tous trois en novembre 1925.
    « Auprès de quelle société ?
    — Prudential.
    — Je suis curieux. Je n’ai personnellement jamais
souscrit d’assurance. Ces contrats comprenaient-ils des dispositions
particulières ?
    — Comme quoi ?
    — J’ai entendu causer de “double indemnité”. Ça vous
parle ? Il paraît qu’avec ça, un décès accidentel – même un homicide
comme ici – est indemnisé au double de la valeur du contrat.
    — On avait ça.
    — Pour chacun des contrats ?
    — Rien que sur le dernier.
    — Celui de quarante-cinq mille dollars ? »
    Elle acquiesça.
    « Bigre ! se récria Carey. Je suis en train de
faire le calcul. Vous avez un contrat de mille dollars, un de cinq mille, celui
de quarante-cinq mille fois deux… ça fait quoi ? Quatre-vingt-seize mille
dollars ? »
    Elle eut un haussement d’épaules.
    « C’est possible.
    — Il aurait fallu quinze ans de travail à votre époux
pour gagner une somme pareille !
    — Mais n’est-ce pas le but des assurances ? Offrir
à votre famille plusieurs années de sécurité financière dans l’éventualité où
surviendrait un événement aussi terrible et affreux qu’inattendu ?
    — Tout à fait d’accord, opina Carey. Albert devait
grandement vous chérir, Lorraine et vous.
    — C’était un mari et un père idéal », affirma
Ruth.
    Le commissaire George McLaughlin entra nonchalamment dans la
chambre et s’accota contre un mur en contemplant Ruth, les mains dans les
poches de son pantalon.
    « Nous avons ici votre carnet d’adresses, reprit Arthur
Carey, et j’aimerais vous lire le nom de quelques hommes.
    — Pourquoi ?
    — Faites-moi plaisir », biaisa-t-il, avant de
débuter par un fleuriste dénommé Adams.
    Il cita encore cinq noms, dont celui de Milton Fidgeon et de
Harry Folsom, un vendeur de bonneterie, puis, après une légère hésitation,
articula :
    « Judd Gray. »
    Carey et McLaughlin virent Ruth tressaillir.
    « Qui est-ce ? s’enquit Carey.
    — Un vendeur de gaines, répondit-elle. La marque Bien
Jolie [1] ça vous évoque quelque chose ?
    — Je ne suis pas très au fait de ce genre de choses.
    — Eh bien, continuez, le relança Ruth.
    — Vous le connaissez bien, ce Judd Gray ?
    — Non, pas vraiment.
    — J. G., souffla McLaughlin à Carey, à titre de
rappel.
    — Un instant, lâcha Carey, avant d’ouvrir la boîte en
carton contenant les chèques oblitérés. Je suis à peu près certain d’avoir déjà
croisé ce nom. Ah, oui, voilà. »
    Il brandit un chèque portant une signature masculine au dos.
    « À H. Judd Gray, d’un montant de deux cents
dollars. C’est bien votre écriture, Mrs Snyder ? »
    Elle
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