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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion
Autoren: Ron Hansen
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vent,
avait un jour fait avec lui une virée jusqu’à West Point. Elle lui sourit avec
soulagement.
    « Oh, tu es là pour me ramener chez moi auprès de
Lorraine ? »
    Trumfeller entra et posa tendrement une main sur la joue de
Ruth. Elle lui baisa la paume, les yeux emplis de larmes. Elle commençait à se
lever quand, de l’autre main, Trumfeller la força brutalement à se rasseoir.
Tel un amant, il se pencha vers l’oreille droite de Ruth et lui susurra :
    « Ces gars savent quand tu mens, Tommy. Ils ont déjà
fait ça des centaines de fois, alors que toi, tu n’es qu’une novice. Ils sont
au courant que tes histoires sont des foutaises parce que rien ne colle. Tu
fais durer le supplice avec tes mensonges. Dis la vérité, va, débarrasse-toi de
cet éléphant qui te pèse sur la conscience. »
    Ruth se raidit de stupeur, puis porta à ses jolis yeux le
mouchoir qu’elle avait dans son giron.
    « Je n’en peux plus, affirma-t-elle – mais plutôt
comme après une rude journée à biner son potager. Où est le
commissaire ? »
    Toujours sous les regards courroucés de ses partenaires de bridge,
Trumfeller guida Ruth jusqu’au bureau où se trouvait McLaughlin. Il était tout
juste onze heures du soir. De la fumée de cigarette flottait au plafond.
McDermott secoua son paquet pour en extraire une Pall Mall, mais la laissa
pendre à ses lèvres pour étudier Ruth qui entrait. McLaughlin pivota sur son
siège en chêne grinçant et raccrocha immédiatement l’écouteur noir du téléphone
quand il la vit. Elle sourit.
    « Je vous prie de m’excuser de vous avoir fait veiller
si tard. »
    Du chef, McLaughlin désigna une chaise et Trumfeller la
traîna jusqu’à Ruth, qui y prit place en majesté.
    « Je ne crois pas être en mesure de supporter un autre
interrogatoire. »
    McLaughlin esquissa un signe de tête en direction de
McDermott et déclara :
    « Mac a discuté avec le mari de votre cousine Ethel.
    — Eddie, énonça Ruth, comme si ce nom lui remontait le
moral.
    — Eh bien, Eddie soutient que vous avez un bon
ami. »
    Le commissaire se tourna vers McDermott pour récupérer un
calepin, qu’il mit sous le nez de Ruth. Y était inscrit le nom « Judd
Gray ».
    « Est-ce l’homme qui a tué votre époux ? »
    Ruth soupira.
    « Il s’est mis à table ? »
    McLaughlin la mena en bateau et lui confirma que Judd avait
bel et bien fait des aveux ; puis, afin de transcrire leur conversation,
il invita une sténographe à les rejoindre et, pour faciliter la tâche de cette
dernière, exposa à Ruth :
    « Commencez par décliner votre nom et votre intention.
    — Mon nom est Ruth Snyder et je souhaite effectuer une
déposition fidèle et exhaustive concernant la mort de mon époux, Albert Snyder.
    — “Et j’ai conscience que tout ce que je dis pourra
être utilisé contre moi” », souffla McLaughlin.
    Elle répéta.
    La une du New York Times était alors déjà
arrêtée : « UNE FILLETTE DÉCOUVRE SA MÈRE LIGOTÉE », avec pour
sous-titre « La victime évoque une querelle lors d’une partie de cartes et
des intrus dans la maison. » En page deux, le quotidien titrait :
« MORT D’UN DIRECTEUR ARTISTIQUE », mais ce devait être le dernier
article à se focaliser sur Albert Snyder.
    Ruth devint l’objet de toutes les fascinations.

 
Chapitre 2
BIEN JOLIE
    Elle prétendit ne pas se rappeler quand elle avait fait la
connaissance de Judd Gray, mais en réalité, elle se souvenait de tout : le
vif soleil de la mi-journée, la chaleur torride qui faisait miroiter les rues
de Manhattan, les avertisseurs des taxis Ford T au coude à coude et les
sifflets stridents des policiers à gants blancs qui réglaient la circulation
sur Madison Avenue. C’était en juin 1925 et il régnait une vague odeur chimique
dans le magasin de bonneterie. Au plafond, décoré de fleurs de lis grises en
étain, les énormes pales d’un ventilateur brassaient de l’air chaud, tandis que
Kitty Kaufman, une jolie coiffeuse de ses amies, flirtait avec un vendeur de
bas du nom de Harry Folsom, qui confondait la galanterie avec l’humour vaseux
et la flagornerie.
    « Vous avez faim, les filles ? »
aventura-t-il finalement.
    Kitty était une ravissante juive aux yeux noisette et à la
chevelure café coiffée sur le côté, pareille à la houle de l’océan. Elle
portait une robe en soie qui dessinait sa silhouette et esquissait la
perspective d’un effeuillage aisé.
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