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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier
Autoren: Robert Margerit
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l’on finit par atteindre la lisière de la forêt. On les vit alors, les Bretons en uniforme rouge, les autres bleu et blanc, tous avec des drapeaux tricolores, exactement pareils à ceux que l’on portait. Quelle misère ! Ils continuèrent à tirailler tout en exécutant à travers prés et champs un mouvement très bien réglé pour que la ligne dangereuse se maintînt toujours à quelques pieds en avant d’eux. À cinq heures de relevée, cette belle manœuvre les avait ramenés en vue de Pacy-sur-Eure. Là, après une attaque convergente et une nouvelle démonstration de défense à longue distance, qui se déroula elle aussi sans accident, on se sépara, pas mécontents, en somme, les uns des autres. Laissant Puisaye se retirer victorieusement sur Pacy, Malinvaud, peu soucieux de rester en flèche, repassa la forêt pour rejoindre ses propres bases.
    Ses troupes, dans le soir tombant et l’air rafraîchi, chantaient d’enthousiasme. Quant à lui, il se reprochait bien des choses : primo, d’avoir, beaucoup trop timidement, cherché un point d’appui à Vernon, sans oser quitter la couverture de la Seine sur son flanc, alors qu’il aurait dû marcher de Mantes droit à Pacy ; deuxièmement, de s’être, encore par timidité, mis en bataille sous Vernon. Ce déploiement ne rimait à rien, qu’à se donner confiance. Et, toujours par manque d’assurance, en laissant sur place sa réserve et son artillerie, il avait perdu l’occasion d’en finir aujourd’hui, d’un seul coup, avec l’adversaire. Non, décidément non, il ne serait jamais un grand chef d’armée. Maintenant, il se sentait enclin à commettre ce qui serait peut-être la faute inverse : emmener toutes ses forces pour attaquer Puisaye, demain. Après avoir pesé de son mieux le pour et le contre, il se tint à un moyen terme.
    Le lendemain, 13 juillet, sitôt le jour suffisamment clair, il fit battre, par des reconnaissances de cavalerie, toute la rive gauche de la Seine. Sûr alors de n’avoir pas d’ennemis derrière le dos, à six heures il donna l’ordre général du départ. À mi-distance de Vernon et de la forêt, en vue des deux, il disposa un bataillon, couvert par des compagnies en grand-garde, avec trois batteries installées à la sortie d’un hameau. Cinq gendarmes restèrent là pour faire la liaison si besoin était. Le reste du petit corps d’armée reprit le chemin des bois. Se rappelant l’époque où il daubait les chefs qui le traînaient ainsi de marche en contremarche, l’ancien sergent Malinvaud songeait qu’en ce moment sa troupe devait le traiter sans indulgence. Elle n’avait pas tort, assurément. Il ne savait guère ce qu’il voulait, sinon disperser des pauvres bougres sans leur causer de dommages. Du moins, ces allées et venues n’épuiseraient-elles personne. Elles ne dépassaient guère deux lieues. Il en avait couvert douze, lui, quelquefois. L’avant-veille de Valmy, en particulier. Bon sang, quelle marche !…
    Poussé par les officiers d’Ille-et-Vilaine, peu satisfaits du « succès » remporté la veille, Puisaye, en ce moment, avançait de nouveau sur Vernon – sans éclaireurs, sans gardes, en colonnes de bataillons. Singulier général ! pensa Malinvaud quand ses propres éclaireurs vinrent le prévenir, au sortir de la forêt. Enfin, tout était pour le mieux, comme ça.
    Les fédéralistes marchaient, le fusil à la bretelle, en trois colonnes qui débordaient dans les herbages où l’on avait fait la fenaison. Le soleil tapait diablement, on ne serait pas mécontent d’entrer sous les bois dont le rideau ombreux ondulait derrière Brécourt : petit village bien tranquille dans sa bordure de haies vives, d’enclos.
    Soudain, un roulement de tambour retentit. Un scintillement de baïonnettes, des chapeaux à plumes de coq, des drapeaux couronnèrent les haies. Deux gros de cavalerie surgirent du village, aux ailes, sabres étincelants. Les officiers fédéralistes dégainaient, criaient des ordres, mais les volontaires avaient à peine empoigné les fusils, ouvert le bassinet, qu’avec un bruit terrible cent pièces de canon, au moins, leur tirèrent dessus. Elles étaient six, en réalité. « Pointez de façon qu’ils sentent le vent des boulets », avait ordonné Malinvaud. Par précaution, il gardait au centre une batterie à mitraille, pour le cas où il faudrait vraiment se battre. Il en avait une autre à droite, qui devait tirer sitôt après la
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