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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier
Autoren: Robert Margerit
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de même trois bataillons, un escadron. Pour la première fois, il avait droit à un cheval. Sachant ce qu’il pouvait attendre de lui-même, et très conscient de ses limites, il ne se flattait point d’être jamais un officier aussi brillant que Bernard Delmay, aussi solide que Jourdan. Toutefois, à combattre sous les ordres de Bernard, il avait pris certaines leçons. Il comptait bien les appliquer. Surtout celle qui tendait à épargner le sang, car ici, hélas, on allait avoir en face de soi des Français.
    En deux jours de marche au long de la Seine, sous un ciel ardent, on atteignit Mantes où l’on sut, par les commissaires, que l’avant-garde de Wimpffen était postée à Évreux. Un ci-devant la commandait : un certain Puisaye, émigré rentré. Il ne se cachait pas de vouloir rétablir la monarchie, ce qui avait retourné la plus grande partie des populations. La Seine-et-Oise se prononçait entièrement contre les fédéralistes. Mantes le montra en accueillant au mieux les Parisiens, en leur fournissant avec abondance nourriture, boisson. Malinvaud veilla en personne à ce que ses jeunes gens, assoiffés par la chaleur et la poussière, n’abusassent point de ces libéralités. Il maintint la fraternelle mais ferme discipline dont Bernard lui avait donné l’habitude. On repartit à l’aube. Coupant la boucle de la Seine sur laquelle flottait encore une brume rousse, il fit une brève étape à Bonnières où l’on rejoignit le fleuve ; puis, parvenu sur les confins de l’Eure, à environ une lieue de Vernon, il envoya la cavalerie reconnaître la ville. La trouvant libre, il l’occupa, de façon à se ménager là un solide point d’appui. C’était, lui semblait-il, ce que Delmay aurait fait. Pensant alors à la manière dont Bernard, sous Valmy, avait établi son dispositif, Malinvaud plaça un bataillon en réserve avec son artillerie derrière les murettes des jardins formant le faubourg de Vernon et installa les deux autres devant la ville, en front de compagnies, avec une batterie au centre, une à chaque aile. Gardant avec lui la moitié des gendarmes, il lança le reste de l’escadron dans la forêt, en direction de l’Eure et d’Évreux.
    Cependant, Puisaye, ayant appris l’arrivée des troupes parisiennes, était sorti d’Évreux avec deux mille hommes, peu enthousiastes pour la plupart, qu’il faisait marcher à grand renfort de tambours. Les gendarmes les aperçurent aux abords de Pacy-sur-Eure, et, selon les ordres, se replièrent immédiatement pour rendre compte. Malinvaud résolut d’escarmoucher. Il emmena l’aile gauche dans la forêt, en laissant sur place les canons et la cavalerie. Il était alors trois heures après midi. Bientôt le bourdonnement des mouches sous les frondaisons fut couvert par le bruit des tambours qui s’approchaient, éveillant les échos au plus profond des bois.
    Malinvaud s’égayait. Imagine-t-on une troupe avançant à couvert et signalant avec tant d’amabilité sa marche ! Ces amateurs de musique n’avaient jamais combattu, pour sûr ! En riant, il fit lui aussi battre la caisse pour avertir ces messieurs qu’ils allaient trouver quelqu’un en face. Les baguettes volèrent sur les peaux d’âne : « Ça ira, ça ira, ça ira ! » Du coup, les tambours fédéralistes bafouillèrent et se turent. S’égayant encore plus, Malinvaud, sans attendre, ordonna un feu de tirailleurs, à volonté.
    « Et nourri, spécifia-t-il.
    — Mais, citoyen colonel, sur quel objectif ?
    — Sur les oiseaux, les mouches ou ce que vous voudrez, pourvu que ça pète ! »
    Il n’eut pas à se plaindre, sur toute la ligne ce fut une pétarade superbe. Répercutée par l’écho, la mousqueterie craquait comme si l’on eût déchiré la forêt tout entière. Les balles frappaient les troncs avec un bruit mat, hachaient les ramures. D’en face, on répondait avec non moins de détermination. Entre les deux troupes, c’était une véritable hécatombe de branches et de feuilles vertes. Mais on ne voyait personne.
    Enfin, Malinvaud donna l’ordre d’avancer. Tandis que les tapins battaient la charge, les tirailleurs, progressant d’arbre en arbre, et ménageant cette fois leurs coups, atteignirent la zone de feu. Les balles n’étaient plus pour les mouches, maintenant. Cela ne dura point. Les fédéralistes ne perdirent pas une minute pour rétablir la bonne distance. Ils l’observèrent avec grand soin, jusqu’au moment où
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