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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier
Autoren: Robert Margerit
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haïssaient en Robespierre la Révolution personnifiée, tous ceux à qui la guillotine avait pris un être cher, tous ceux dont un parent, un ami, une épouse, une maîtresse, un mari, un fiancé se trouvait en prison, tous ceux qui depuis des mois se cachaient, étaient là, aujourd’hui, à insulter, à maudire, à rire. Et il y avait aussi des ouvriers lançant aux vaincus : « Il est foutu, votre maximum ! » Des curieux interpellaient les cavaliers d’escorte, leur demandant quel était Robespierre. De la pointe du sabre, les gendarmes désignaient le petit homme à la tête enveloppée d’une serviette croûteuse de sang séché.
    « Voilà le chef des tyrans. Voilà le paralytique Couthon. Voilà Dumas, le féroce président du Tribunal de sang. »
    Depuis le début de la relevée, la guillotine dressait de nouveau ses bras rouges entre les ombrages du Jardin national et les verdures des Champs-Élysées, sur la place de la Révolution où tant de fantômes attendaient Robespierre. Après la petite pluie fine du matin, le temps avait un peu embelli. Par moments, le soleil de juillet passait entre les nuages lents. La température, qui s’était abaissée pendant la nuit jusqu’à 12 degrés, ne cessait de remonter. Le thermomètre de l’Observatoire marquait à présent 20 degrés 4. Dans la chaleur, la poussière, les clameurs, les charrettes descendaient interminablement la rue Honoré, avec des stations provoquées par des entassements de la foule. On s’arrêta ainsi devant le portail des Jacobins d’où, l’avant-veille au soir, le 8 thermidor, Robespierre était sorti en plein triomphe, en pleine certitude, pour aller paisiblement dormir. Assis sur la planche de la carriole écarlate, il refit le chemin qu’il avait fait ce dernier soir. On l’arrêta encore devant le porche où il était rentré : celui de la maison Duplay, dont la porte était fermée à présent. Ici, Danton avait crié : « Tu me suis, Robespierre ! » Au milieu des hurlements et des chants vengeurs, des commères dansaient là une ronde. Un garçon boucher, trempant un balai dans un seau plein de sang, aspergea les vantaux. Là-bas, au fond de la cour, dans la maison vide, Éléonore et sa sœur Élisabeth Le Bas, épuisées de larmes, gisaient inconscientes. Leur père, leur mère, leur jeune frère et Simon l’invalide avaient été arrêtés.
    À côté de Dumas, Robespierre gardait les yeux clos. Saint-Just, debout près de Fleuriot-Lescot, demeurait impassible, dédaigneux, étranger. Il fallut plus d’une heure pour arriver à la place de la Révolution. Elle avait retrouvé sa foule des grandes exécutions. Tout ce que Paris comptait de contre-révolutionnaire, de bourgeois feuillantin, de dantoniste, de girondiste, d’ultramontain, se pressait là, exultant, avec les ouvriers furieux contre le maximum appliqué aux salaires, et maint curieux pareil au mercier Nicolas. Il se trouvait au premier rang, bien entendu, tout près de l’endroit où s’arrêtaient les charrettes. Il en vit tirer d’abord Couthon que l’on ne put lier à la bascule. Les aides durent l’y coucher sur le côté, ils mirent pas loin d’un quart d’heure à disposer le paralytique, à lui engager le cou dans la lunette. Ils suaient à cette besogne. Après lui, le jeune Robespierre, inerte, Hanriot qui revint à lui dans un hurlement lorsqu’un des aides lui arracha son œil désorbité, puis seize autres condamnés, parmi lesquels Nicolas ne connaissait que l’agent national Payan et Simon, l’ancien gardien du petit Capet, furent expédiés au rythme habituel, en une demi-heure. Nul d’entre eux ne dit rien. Il n’y aurait aujourd’hui à inscrire aucune parole historique. À son tour, Saint-Just, beau et indifférent, monta sur la plate-forme, bascula. Deux secondes plus tard, son corps était repoussé dans le panier. Les aides mirent alors Robespierre sur ses pieds. Il gravit lui-même, fermement, les degrés de l’échafaud. Il avait, comme les autres, les mains liées derrière le dos. Son habit bleu clair, de la fête de l’Être suprême, mais tout souillé, était jeté sur ses épaules. Un des valets le lui ôta et voulut lui enlever le bandage qui lui entourait la tête. La serviette, collée par le sang, tenait. L’aide tira brutalement. Maximilien poussa un cri de bête tandis qu’un flot pourpre se répandait de sa bouche soudain béante. Et c’est ainsi qu’il parut pour la dernière fois,
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