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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier
Autoren: Robert Margerit
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« Il fallait réprimer Robespierre, dit Moïse Bayle en hochant la tête. La liberté l’exigeait. Mais je crains que nous n’ayons à regretter d’ici peu d’avoir été trop radicaux. »
    Cependant, tout n’était pas encore fini. Le rapport lu à la Convention, la mesure votée, ce décret devait passer aux mains d’Herman pour enregistrement et exécution. Ministre de l’Intérieur et de la Justice, sous le titre de Commissaire général à la police, la justice et l’administration civile, Herman avait eu la prudence de rester à son poste, la veille. Toutefois, pour n’avoir pas rejoint la Commune, il n’en demeurait pas moins fidèle et dévoué à Robespierre. Il retint le décret, fit même arrêter les commissaires de l’Agence exécutive des lois, qui voulaient l’enregistrer. Il ne semblait pas impossible de réunir la force armée des sections encore robespierristes, d’envahir la Tournelle et de délivrer les proscrits. André Dumont réduisit à néant ce dessein en le dénonçant à la Convention.
    À quatre heures après midi seulement, Fouquier-Tinville reçut l’expédition du décret. Vingt-deux hors-la-loi attendaient depuis le matin dans le Côté des Douze, à la Conciergerie, près du quartier des femmes. Déposé là, Robespierre avait manifesté par signes le désir d’écrire, mais les geôliers étaient bien avertis de ne lui en fournir aucun moyen. Avec lui et Augustin, Couthon, Saint-Just, Dumas et Payan, se trouvaient à présent Fleuriot-Lescot, le municipal Gobault atteint d’un coup de baïonnette, Simon et Hanriot retrouvé près de douze heures après sa chute dans la courette, aux trois quarts mort, barbouillé de sang, souillé d’ordures, un œil arraché pendant sur la joue.
    Se défiant de l’accusateur public, Barras était venu activer le tribunal. On ne perdit plus de temps. Les hors-la-loi, les blessés sur leurs brancards montèrent l’étroit escalier de la tour Bonbec, où avaient passé Barnave, les Brissotins, Manon Roland, les Hébertistes, les Dantonistes – et, l’avant-veille encore, André Chénier qui ne devait pas être jugé mais que son père avait envoyé à la mort exactement comme Jean-Baptiste Montégut y avait envoyé sa malheureuse Léonarde.
    Robespierre entrait pour la première fois dans ce tribunal dont lui et Couthon avaient fait une terrible machine à tuer. Ils purent apprécier son fonctionnement. « Es-tu Maximilien Robespierre ? » s’enquit le vice-président Scellier. Le blessé fit signe que oui. Deux témoins ordinaires : Lecoin, employé de la Commission des relations extérieures et Fabre, employé au greffe, s’avancèrent, certifièrent son identité. Même formalité pour les suivants. Une seule variante : en voyant paraître son ami Fleuriot-Lescot, Fouquier, déposant chapeau et manteau, sortit du prétoire, laissant à Liendon le soin de requérir. En une demi-heure, les vingt-deux furent condamnés, emmenés par les gendarmes. Les civières cognèrent de nouveau les murs dans l’escalier en vis. La file lamentable traversa le préau de la Conciergerie où cinq cents détenus faisaient la haie en poussant des cris de joie et d’exécration. « Place à l’Incorruptible ! » clamait sardoniquement un guichetier. Dans la grande pièce contiguë au greffe, Sanson et ses aides prirent livraison des condamnés, leur firent la toilette de mort.
    Trois charrettes attendaient en haut, dans la cour du Mai, devant la petite grille. Ce fut alors seulement, en voyant sortir les conspirateurs garrottés ou portés sur des brancards, que la foule eut enfin une certitude. Depuis le matin, on ne savait que croire. Si Robespierre et ses séides étaient prisonniers, voués à la guillotine, d’où venaient tant de retards ? Le Tribunal ne se montrait pas si lent, d’ordinaire. La journée s’écoulait, il était presque six heures. L’impatience se chargeait d’anxiété pour tous ceux qui voyaient dans la défaite des Robespierristes la fin de la Terreur, de la suspicion générale, l’ouverture des prisons. N’avait-on pas mis trop d’empressement à se réjouir ?… Mais non, voilà qu’ils sortaient, les scélérats, les monstres ! Un formidable hurlement d’allégresse et de satisfaction sauvage salua leur apparition. Et il en fut ainsi tout le long du trajet. Les charrettes n’avançaient pas, au milieu de la presse où les gendarmes ouvraient difficilement un chemin. Tous les gens qui
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