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Un garçon de France

Un garçon de France

Titel: Un garçon de France
Autoren: Pascal Sevran
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démonter, je lus à peu près ceci :
    « Je connais enfin mon petit voisin de chambre ; il est blond et plutôt joli garçon… Je l’ai suivi au bal, place Daumesnil, il n’a parlé à personne car, comme moi, c’est un timide, un solitaire. Mais je l’aurai, il a sûrement des choses à me confier, j’ai les moyens de l’obliger. Il m’a souri… Nous nous reverrons pour le meilleur ou le pire, ça dépend de lui. »
    Oserais-je l’avouer, ce texte ne m’inquiéta pas énormément, au contraire il me flatta plutôt. Le monsieur de la police, qui guettait ma réaction à la lecture de ce qu’il croyait être une pièce à conviction, fut certainement déçu.
    — Alors, qu’en pensez-vous ?
    — C’est gentil, non ? dis-je en me servant le plus naturellement du monde un verre de jus d’orange.
    — Mais enfin, oui ou non, étiez-vous au bal, place Daumesnil, le soir du 14 Juillet ?
    — Oui, monsieur l’inspecteur…
    Comme je voulais en finir, je trouvais malin de le flatter un peu. Ça fait toujours plaisir à un simple brigadier de s’entendre appeler inspecteur.
    M me  Donadieu, qui venait d’apprendre que le discret client du 14 avait assassiné une femme de mauvaise vie, a choisi le bon moment pour s’écrouler sur une chaise, terrassée par la nouvelle.
    Elle répétait sans cesse cette phrase incroyable, lue cent fois dans de mauvais romans :
    — Je suis frappée de stupeur !
    J’en profitais aussitôt pour sortir prendre l’air du quartier en laissant mon faux inspecteur réfléchir gravement sur le carnet intime d’un assassin.
    — Vous connaissez mon adresse, lui dis-je. Je suis à la disposition de la police.
    La rue était calme.
    Jeanine avait un mal fou à remonter le rideau de fer de la crémerie. Je suis allé l’aider ; elle m’a fait un café dans l’arrière-boutique, vite, avant que sa patronne n’arrive.
    Je lui ai raconté l’affaire qui agitait l’hôtel, mais elle n’a pas apprécié qu’un assassin me trouve joli garçon.
    Elle n’avait pas d’humour.

VII
    Je ne sais pas danser. Aux bals de la sous-préfecture, je restais toujours un peu à l’écart des grandes personnes.
    C’étaient d’autres 14 Juillet, mon père m’obligeait à saluer des dames qui riaient trop fort et je n’aimais pas le voir tellement charmant avec des étrangères, prêtes à tout pour le séduire.
    De son côté, Lucienne tenait son rôle avec un détachement hautain qui impressionne, en province, les femmes de pharmaciens. On lui baisait les doigts, mais elle ne voyait qu’elle dans la grande glace ancienne qui décorait tout un mur du salon.
    C’était parfait, tout était en ordre. J’avais dix ans, les cheveux parfumés à la lavande, des pantalons bleu marine coupés sur mesure et des taches de rousseur qui me venaient avec le soleil.
    On a dû prendre une photo de moi sous le portrait du président Auriol, elle témoigne de mon enfance officielle. Il faudrait que je la retrouve. Un jour, quand j’aurai fini de grandir, elle me rappellera des souvenirs attendrissants.
    Mon père l’avait posée sur un coin de son bureau ; j’étais fier d’être là, face à lui, tandis qu’il s’entretenait avec des personnages importants.
    Et j’allais en cachette, plusieurs fois par semaine, vérifier si rien n’avait changé. Cela me rassurait.
    J’ai toujours eu tendance à m’attacher à des détails apparemment sans importance, et je pourrais dire, si on me le demandait, la date exacte à laquelle je ne l’ai plus trouvée à sa place habituelle, entre le téléphone et la lampe de bronze. S’il ne tenait qu’à moi, j’arrangerais ma vie pour que rien, jamais, ne change de place.
    On allait certainement parler de moi dans les journaux ! Les journalistes et les enquêteurs de police ne tarderaient pas à venir m’interroger de nouveau pour en savoir davantage sur mes rapports avec l’assassin de la chambre 14.
    Je pensais à cela en marchant dans les allées du bois de Vincennes, ce matin du mois d’août 1959 où il m’arrivait enfin quelque chose d’original.
    Une marchande de ballons multicolores et de petits moulins à vent en plastique rouge installait son chariot près du lac. Un homme, chargé sans doute de déplier les chaises à louer, s’entretenait avec un garçon de mon âge, occupé à organiser les promenades en barque ; un peu plus loin, le vendeur de glaces comptait sa monnaie.
    La journée s’annonçait belle. Les
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