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Un garçon de France

Un garçon de France

Titel: Un garçon de France
Autoren: Pascal Sevran
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m’interdisait de la contrarier. J’essuyais mes pieds et je montais me coucher en pensant à autre chose. Elle était rassurée.
    Je lisais des revues de cinéma avant de m’endormir. Assez tard dans la nuit. L’hôtel était calme, et je ne connaissais aucun des clients qui sortaient bien avant moi, le matin, pour aller travailler. Je ne savais rien non plus de mon voisin de palier, hormis le sifflement aigu du robinet de son lavabo, quelques minutes avant minuit, chaque soir, aussi régulièrement qu’un métronome.
    — C’est un homme discret, m’avait dit M me  Donadieu. Il est secrétaire d’une maison de pompes funèbres, du côté de Reuilly-Diderot, je crois. Je ne le vois pas souvent, mais il me laisse son enveloppe chaque début de mois.
    J’allais très vite en savoir plus sur le discret pensionnaire de la chambre 14, auquel je n’avais aucune raison particulière de m’intéresser, même à propos d’un bruit de tuyauterie qui ne me dérangeait pas vraiment. Le 12 août, au petit matin, soit deux mois exactement après mon arrivée à Paris, je fus réveillé par des messieurs de la police me priant de bien vouloir les rejoindre dans le salon d’attente de l’hôtel où régnait une agitation anormale.
    Tandis que je m’habillais, j’entendais M me  Donadieu se lamenter :
    — C’est un établissement convenable ici, je n’ai rien à me reprocher, mes clients non plus, et je vous signale, monsieur le commissaire, que le jeune homme que vous venez de convoquer est fils de préfet.
    Je ne savais pas quoi penser de ce remue-ménage matinal. Dans ma précipitation, j’ai renversé une bouteille d’eau de Cologne, j’ai ouvert grand ma fenêtre et je suis descendu en sifflotant pour me donner de l’assurance. Le commissaire avait-il été intimidé par la révélation de mes origines ? J’en doutais un peu.
    Cette descente de police avait-elle un rapport avec la guerre d’Algérie ? Venait-on appréhender un déserteur, un espion ? J’allais en avoir le cœur net.
    Dans ce qu’il faut bien appeler un salon, mais qui ressemblait plus à une salle d’attente de dispensaire, se tenaient, outre celui que j’ai reconnu immédiatement comme étant le commissaire, une dizaine de personnes aussi étonnées que moi d’être là, face à des gens de la police pas très pressés d’expliquer ce qui nous valait l’honneur de leur visite.
    M me  Donadieu s’empressa de m’accueillir ; elle m’apparut dans un état d’agitation extrême.
    — Ils ont emmené M. Kibler, votre voisin du 14 avec des menottes, comme les assassins, si c’est pas malheureux…
    Le policier qui m’avait réveillé quelques instants plus tôt me fit signe de le rejoindre, un peu à l’écart du groupe.
    Les clients de l’hôtel, que je découvrais pour la plupart, ne firent pas attention à moi. Je remarquais leur visage immobile, à l’expression résignée.
    C’étaient des gens d’allure anonyme, comme on en croise dans la rue sans se retourner ; même les deux étudiants n’avaient pas le genre à être interpellés par la police.
    — Vous êtes Laurent d’Entraigue ?
    — Oui, et alors ?
    Je pris d’office un ton sûr de moi pour indiquer à mon interlocuteur que je n’étais pas disposé à lui servir de coupable.
    — Voilà de quoi il s’agit. Robert Kibler va être inculpé de meurtre de la prostituée de l’impasse Crozatier ; nous venons de l’arrêter.
    Sans rien laisser voir de mon trouble, j’ai répondu que je ne connaissais pas ce paisible employé des pompes funèbres.
    Le policier baissa la voix pour m’apprendre que Robert Kibler semblait, au contraire, fort bien me connaître.
    — Tenez, me dit-il en me tendant un carnet poisseux, lisez cela. Vous comprendrez qu’on puisse se poser des questions à votre sujet.
    Il était huit heures du matin, mais déjà la chaleur était accablante. M me  Donadieu déplaçait bruyamment un chariot-bar en Formica, sur lequel elle avait déposé de l’orangeade.
    — Buvez un verre, monsieur Laurent, ça vous fera du bien.
    La scène avait quelque chose de ridicule et de dramatique à la fois.
    On sert rarement des boissons rafraîchissantes au cours d’un interrogatoire de police.
    Le carnet que je feuilletais avec précaution était griffonné dans tous les sens d’une écriture serrée presque illisible.
    — Regardez à la date du 14 Juillet, vous comprendrez, me dit le flic, sûr de son effet.
    Sans me
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