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Un garçon de France

Un garçon de France

Titel: Un garçon de France
Autoren: Pascal Sevran
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front, Mado fit claquer l’élastique de mon pyjama, au bas de mes reins. Un geste affectueux de collégien.
    — Fais-nous du café, garçon, pour nous réveiller. Il est midi et demi passé, et Pepa n’est toujours pas arrivée…
    Pourquoi se compliquer la vie, quand tout pourrait être simple ! Au fond, j’avais ce qu’il faut pour être heureux, comme on dit dans les magazines consacrés aux vedettes de la chanson.
    En cherchant les soucoupes assorties aux tasses à café, je me demandais quelle serait ma réaction si je trouvais, un matin, un amant de Mado dans cette cuisine, les pieds nus sur le carrelage, à moitié endormi, faisant bouillir de l’eau pour le petit déjeuner.
    Pas un client, non, un amant pour de vrai, à ma place, et qui déciderait que je suis de trop.
    Pour l’heure, nous étions seuls et c’était bien ainsi. J’ai préparé un beau plateau avec du jus de pamplemousse et de la confiture d’abricots.
    — Madame est servie. Un sucre ou deux ?
    Mado s’est redressée en calant un coussin sous sa tête. J’ai rapproché la table basse encombrée de vieux journaux et je me suis assis par terre, en tailleur.
    — Ni sucre ni confiture, Laurent, je commence un régime. Je grossis en ce moment, tu ne trouves pas ?
    — Non, tu n’as pas changé, Mado, depuis que je te connais…
    — Tu ne sais pas regarder les femmes, Laurent, donne-moi ta main.
    Ses hanches étaient légèrement arrondies, c’est vrai, mais douces et chaudes. Combien d’hommes rêvaient encore de s’y accrocher ?
    — Alors ?
    — Ne t’inquiète pas, lui dis-je, tant que tu rentreras dans ton maillot de miss, ça ira…
    Elle a ri, heureusement. J’étais trop tendre pour laisser aller ma main plus loin, plus vite. Nous avons bu notre café, trop clair à son goût, puis elle a quand même croqué une biscotte recouverte de confiture d’abricots.
    — À propos, me dit-elle, et la lettre, c’était grave ?
    Je la lui ai donnée à lire pour qu’elle sache d’où je venais.
    — Tu l’appelais comment cette dame, madame ou Lucienne ?
    — Maman… Mon père avait choisi avant moi.

XXII
    La rue de Miromesnil se situe dans un arrondissement, le VIII e , que les pauvres gens regardent comme un beau quartier.
    Je suis arrivé assez en avance pour constater qu’il ne mérite pas sa réputation.
    Comment peut-on habiter dans ces rues sinistres, où somnolent des veuves de colonels et des marchands de tableaux ?
    Le 15 octobre tombait un samedi, cette année-là, ce qui ajoutait encore à la tristesse des lieux. Certes, le boulevard Haussmann est bordé d’immeubles en pierre de taille ; de certains balcons on aperçoit l’Arc de triomphe, mais je me lasse vite des perspectives historiques.
    Non, il ne se passe rien dans le Ville arrondissement. On a mis les enfants en pension, quelque part du côté de La Celle-Saint-Cloud…
    Rue de Miromesnil, on n’aime pas le désordre. Le cabinet du professeur Germain – puisque c’est ainsi qu’il faut dire – était installé dans l’une de ces maisons mortes où, pour éviter les mauvaises rencontres, on a prévu un escalier de service.
    J’avais froid, mais mon envie de savoir était plus forte, alors je suis monté à pied, au premier étage, à gauche. Il était quinze heures vingt-cinq, j’avais cinq minutes d’avance sur l’horaire prévu.
    De quoi avais-je l’air dans mon costume des dimanches, un peu étroit maintenant que je buvais parfois du champagne-framboise ?
    La femme qui m’a ouvert parut surprise.
    — Vous êtes monsieur Laurent ?
    — Oui, madame, pourquoi ?
    — Vous êtes si jeune et la consultation coûte quand même mille francs !
    — J’aurai vingt et un ans demain, madame.
    — Ah bon ! Si vous voulez patienter, je préviens le professeur…
    Elle m’installa dans un salon d’attente sans âme, aux tentures défraîchies, où traînaient, sur une cheminée, des magazines d’astrologie. Seul détail qui me rappelait l’origine de ma visite.
    J’avais peur, comme chez le dentiste à Bellac, et c’est vrai, je me sentais petit. La hauteur du plafond, sans doute, ou mes souvenirs !
    Mille francs, même en monnaie de l’époque, cela faisait beaucoup d’argent pour un jeune homme ! J’avais sur moi juste assez pour reprendre le métro. Je terminais mes comptes lorsque la porte s’est ouverte. J’avais tout imaginé, tout, sauf qu’il ressemblerait à mon père…
    — Professeur Germain,
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