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Un caprice de Bonaparte

Un caprice de Bonaparte

Titel: Un caprice de Bonaparte
Autoren: Stefan Zweig
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en blanc, je n’irais même pas chez le pape... Ça ne me dit rien d’aller chez eux et je n’irai pas. Un point, c’est tout !
     
    FOURÈS.
     
    Mon petit, tu oublies qu’il est mon supérieur. On ne peut pas refuser à un commandant, nous autres !
     
    DESCHAMPS.
     
    Vraiment, Bellilotte, je crois qu’il n’y a rien d’autre à faire que d’accepter !
     
    BELLILOTTE.
     
    Mais qu’est-ce que j’y ferai ? Ici, avec les camarades, je suis à mon aise, je me sens à ma place. Ici je peux être utile et je n’ai pas à faire des singeries. Je n’aime pas le sucre. Crois-moi, François, ces gens-là ont une idée de derrière la tête !
     
    FOURÈS.
     
    Tu dis des sottises ! Qu’est-ce que le commandant peut bien vouloir de petites gens comme nous ? Non, c’est tout simplement que sa femme veut te connaître. Fais-lui ce plaisir, vas-y, pour une fois, et ce sera fini. Ils s’en formaliseraient si tu t’obstinais. Voyons, fais-le pour moi, mon petit !
     
    BELLILOTTE, très contrariée.
     
    Si tu y tiens tant que ça... Mais vous pouvez vousmoquer de moi tant que vous voudrez : moi, je vous jure que ces gens-là préparent quelque chose... et ça ne peut sûrement pas être quelque chose de bon pour nous... Quand ils vous appellent comme ça, on ferait mieux de se mettre du coton dans les oreilles... Ils n’ont qu’à nous laisser en paix, ces grands personnages, c’est tout ce qu’on leur demande !

DEUXIÈME TABLEAU
    Le lendemain. Petite pièce dans une maison égyptienne, réquisitionnée : l’appartement du commandant Dupuy. Fenêtres ovales à la mode arabe, protégées contre le soleil par de grands rideaux. Carrelage recouvert de tapis. Divans, ottomanes, sièges et autres meubles orientaux. Autour d’une petite table basse sont assis le commandant Dupuy, Mme Dupuy, Berthier et Bellilotte, tous gais. Un valet indigène, portant turban, finit de servir.
     
    MME DUPUY.
     
    En vêtement d’homme, dites-vous ? Quelle aventure ! Mais il faut nous conter ça en détail...
     
    BELLILOTTE, un peu gênée.
     
    Mais madame, je ne me le permettrai pas... Il n’y a vraiment rien d’extraordinaire à cela ! J’ai suivi mon mari, tout simplement, comme des centaines d’autres femmes...
     
    MME DUPUY.
     
    Oui, mais avec la seule différence que les autres ont échoué et vous pas. N’est-ce pas, messieurs, que la citoyenne Fourès doit nous dévoiler comment elle a passé en fraude.

     
    BERTHIER.
     
    Bien sûr ! Pourquoi tant de modestie, citoyenne Fourès ? Nous autres hommes nous aimons bien savoir quand les femmes se montrent courageuses.
     
    BELLILOTTE.
     
    Il ne s’agit pas de courage... Peut-être en faut-il plus à une femme pour rester seule chez elle et attendre les gazettes... Même en rêve, je n’ai jamais imaginé que je participerais à une guerre : Fourès avait fini son congé depuis longtemps et nous vivions tranquilles dans notre petit vignoble de Carcassonne. Mais soudain d’apprendre que Bonaparte équipe une armée, impossible de le retenir... C’est que, depuis la campagne d’Italie, Fourès a pour le général une véritable vénération ! Pour lui il irait jusqu’au bout du monde ! Voilà, et je l’ai suivi.
     
    DUPUY, riant.
     
    Et le règlement ?
     
    BELLILOTTE, mutine.
     
    On nous en a donné lecture à Toulon, au moment de l’embarquement ! Et, bien sûr, les nigauds s’y sont laissé prendre ! Mais moi j’ai aussitôt pensé : on ne me pendra pas ! Une fois à bord, ils ne me jetteront pas aux poissons. J’ai fait à Fourès la surprise de me présenter à lui sur le bateau. Je m’étais coupé les cheveux, j’avais acheté une tenue de matelot et j’avais l’air de mon propre frère... Tout d’abord Fourès ne m’a pas reconnue ! Puis il a ri et m’a fait passer de nuit sur le bateau-amiral...

     
    DUPUY.
     
    Et les matelots, eux, n’ont-ils rien remarqué ?
     
    BELLILOTTE.
     
    On ne sait pas... Quant aux camarades de chambrée, Fourès fut bien obligé de les mettre au courant. Mais ces braves gars l’ont « blouclée » jusqu’à Alexandrie. Personne ne s’est douté de rien pendant toute la traversée. Cependant une fois j’ai bien failli être découverte... ( elle s’interrompt brusquement ) Mais non, à quoi bon vous raconter ces enfantillages ! Ils n’ont vraiment pas d’importance...
     
    BERTHIER.
     
    Non, pas de dérobade !... C’est au moment où une femme s’arrête de
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