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Un caprice de Bonaparte

Un caprice de Bonaparte

Titel: Un caprice de Bonaparte
Autoren: Stefan Zweig
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trop s’avancer. Aussitôt je pense que ces bateliers-là, c’est plutôt louche. « Arrêtez-les », dis-je à Ferrand, qui aussitôt les met en joue. Les voilà qui s’arrêtent et s’empressent de ramer vers nous. Regarde-les donc, ces pauvres diables, ils tremblent encore. ( Elle se tourne vers les Egyptiens et leur parle en s’accompagnant de gestes. ) N’ayez pas peur... on ne vous fera pas de mal ! ( S’adressant aux soldats. ) Eh bien, vrai, tout le ventre de l’embarcation était plein de bonnes choses ! Je pense que c’était pour les prêtres !
     
    UN SOLDAT.
     
    Pour que leurs prières nous fassent sortir du pays !

     
    BELLILOTTE.
     
    Elles ne pourraient pas faire grand-chose pour vous ! Je me suis dit que mieux valait vous régaler vous autres que ces marmonneurs à tête d’oiseau... Vite, Deschamps, donne-leur quelque chose à ces pauvres types pour leur peur ! Quelques petites pièces d’argent suffisent ; ils en seront contents.
     
    DESCHAMPS aux deux Egyptiens.
     
    Et maintenant, en avant, débarrassez le plancher, fidèles serviteurs du prophète ! La paix soit avec vous !
     
    (Les deux Egyptiens, heureux de s’en tirer à si bon compte, grimacent un sourire et remercient en touchant la terre du front.)
     
    BELLILOTTE.
     
    Trop d’honneur, messieurs, trop d’honneur ! Je ne suis pas le bœuf sacré...
     
    (Les indigènes sortent précipitamment, tandis que les soldats tâtent avec curiosité sacs et paniers.)
     
    BELLILOTTE, aux soldats.
     
    Bas les pattes... sinon ces volailles retrouveraient leurs ailes. Vous aurez chacun votre part et puis de plus quelque chose de bon vous attend aujourd’hui. Je vous ferai moi-même des crêpes, les gars, et des fameuses, avec ça, comme on n’en fait qu’à Carcassonne ! C’est là que ma mère a été cuisinière chez le comte de Belmont :celui-là, on eût dit qu’il avait des plaies sur la langue, rien que de sentir un grain de farine dans la pâte suffisait à le mettre hors de lui. Mais ma mère a toujours réussi à les lui faire à son goût et c’est d’elle que j’ai appris. ( Se tournant vers le premier soldat. ) Les poêles sont-elles propres ?
     
    PREMIER SOLDAT.
     
    Propres et luisantes comme tes yeux, Bellilotte !
     
    BELLILOTTE.
     
    Vite un feu de bois ! Je reviens à l’instant et vous ferai un de ces repas, je ne vous dis que ça ! Aujourd’hui, on va se régaler en l’honneur de François. Oui, mon François, je parie que tu n’y as pas pensé. Mais moi je ne l’ai pas oublié : c’est aujourd’hui ta fête et toute la bande doit faire bombance !
     
    DESCHAMPS.
     
    Ta fête, Fourès ? Alors ça va barder. Et puisque nous avons pareil maître queux, il ne faut pas lésiner. Cette fête exige quelque chose de France, du vin de France. ( Au premier soldat. ) Va vite remplir la grande cruche et des verres pour tout le monde !
     
    DEUXIEME SOLDAT.
     
    Hourra, du vin ! Mais alors il nous faut une belle nappe, comme nous en avions à Strasbourg, aux agapes de l’amicale !

     
    TROISIEME SOLDAT.
     
    Et puis il nous faut des chandelles pour qu’on se regarde bien dans les yeux. Ce n’est pas tous les jours que Bellilotte cuisine pour nous !...
     
    (Les soldats apportent vaisselle et couverts, ils dressent la table et fixent les lumignons. Pendant ce temps la nuit tombe petit à petit.)
    (Bellilotte s’affaire devant une cheminée arabe en terre glaise, située à l’arrière-plan. Les soldats ont allumé un beau feu et tournent maintenant autour de Bellilotte.)
     
    UN SOLDAT.
     
    Peut-on te donner un coup de main ?
     
    BELLILOTTE, éclate de rire sans interrompre son travail.
     
    Tu aurais bel air, toi avec tes pattes ! ( Aux autres. ) Pas si près, les gars, vous ne pouvez donc pas attendre un peu ? Vous êtes comme des mouches autour d’un crottin... Allez donc à table et tenez-vous tranquilles... en vous léchant les babines d’avance. Décampez, dis-je, sinon...
     
    (Elle brandit la poêle dans leur direction.)
     
    LES SOLDATS s’écartent en riant.
     
    Aïe !... Elle en a des coudes, celle-là !... Alors, à table, la pâte va bientôt lever et ce sera fameux, on s’en rend compte !

     
    DEUX SOLDATS approchent, portant la cruche.
     
    Et voici le vin ! Il n’y en aura pas énormément pour chacun, on vous avertit.
     
    DESCHAMPS.
     
    Tant mieux ! Sinon vous ne vous rendriez pas compte de la bonne chère dont vous allez vous repaître
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