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Un caprice de Bonaparte

Un caprice de Bonaparte

Titel: Un caprice de Bonaparte
Autoren: Stefan Zweig
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Allez-y, citoyenne Fourès !
     
    BONAPARTE sourit et regarde Bellilotte qui, terriblement gênée, voudrait éviter son regard pénétrant.
     
    MME DUPUY, à Belillotte.
     
    Et pourquoi donc tant de manières ? Racontez carrément... en dehors du service le général n’est pas si sévère que vous pourriez le croire...
     
    (Bellilotte lève les mains dans un geste involontaire de défense.)
     
    MME DUPUY.
     
    Sinon, c’est moi qui m’en chargerai ! Alors : vous souvenez-vous, citoyen général, qu’un soir, à bord de l’Orient, vers minuit...
     
    BELLILOTTE l’interrompt, toute tremblante.
     
    Oh, je vous en supplie, ne me rendez pas honteuse ! Ne parlez plus de cette chose sans importance...
     
    MME DUPUY.
     
    Croyez-vous, mon enfant, que le général ne veuille entendre parler que de batailles ? ( Entre un serviteur porteur d’un plateau. ) Ah, voilà le café ! Je vous fais grâce de votre histoire jusqu’à ce que le général ait pris son café. Permettez, citoyen général. ( Elle lui verse une tasse. ) Et à vous aussi, mon enfant ! ( Elle remplit une tasse pour Bellilotte et la lui porte. Ce faisant, elle trébuche avec une maladresse si voulue qu’elle la laisse tomber et le café se répand sur sa propre robe. )... Oh mon Dieu, qu’ai-je fait ! C’est affreux ! Et dans quel état est ma belle robe... Excusez-moi, citoyen général, mais il faut que j’aille en changer... Je n’en ai que pour quelques minutes.
     
    (Elle se dirige rapidement vers la porte.)
     
    BELLILOTTE, effrayée, fait mine de la suivre.
     
    Permettez-moi de vous aider... Je ne peux pourtant pas...
     
    (Mme Dupuy disparaît derrière une porte.)
     
    BONAPARTE, fait rasseoir gentiment Bellilotte.
     
    Restez donc, c’est justement ce que je souhaitais : être seul avec vous.
     
    (Il la regarde avec insistance en souriant.)
    (Bellilotte, tremblante, les yeux baissés, reste clouée sur place, sans volonté, comme paralysée.)

     

TROISIÈME TABLEAU
    Soir du même jour. Cabinet de Bonaparte au palais de l’Esbekieh. Dans sa destination première, la pièce semble avoir servi de salon ou de harem à un pacha. A présent c’est un bureau militaire improvisé avec tables de travail, classeurs, cartes d’état-major, le tout voisinant avec des divans, des tapis et divers ornements orientaux. Dans ce mélange hétéroclite, une seule note domine : travail intense. Au lever du rideau, accoudé à la fenêtre, Bonaparte est en conversation avec Berthier. L’air impatient et un peu agacé, il regarde au-dehors tandis que ses doigts tapotent sur l’appui.
     
    BERTHIER.
     
    Certes, je comprends que tu la veuilles. Qui ne désirerait pas cette appétissante peau blanche ? Et pourtant je ne peux que te le redire : la chose est épineuse. Dans ta situation surtout il faut être prudent.
     
    BONAPARTE, se détache de la fenêtre et parle tout en allant et venant dans la pièce.
     
    Etre prudent ? Je n’y pense même pas. La prudence n’est qu’un mot évasif pour désigner la peur ; et je n’ai peur de personne. Ils peuvent claironner l’histoire en France et les Anglais peuvent la raconter dans leurs gazettes, ici je fais ce qui me plaît. Je serais un idiot de ne pas prendre la femme que je veux. Qui peut êtregêné, d’ailleurs, qui a quelque chose à dire que je couche ici seul ou à deux ?
     
    BERTHIER.
     
    Une seule personne, vraisemblablement : son mari. Et c’est précisément là qu’est le hic. De plus, ce Fourès est soldat, officier et c’est un brave et honnête camarade.
     
    BONAPARTE.
     
    Ah, le petit bonhomme Fourès... Il y aura toujours un moyen de s’arranger avec lui...
     
    BERTHIER.
     
    Tu penses ?
     
    BONAPARTE.
     
    Bien sûr, crois-m’en... Il a, certainement, lui aussi, un côté vulnérable... et c’est là qu’il faudra frapper. Quand il s’agit de vanité, d’ambition, d’argent, ça mord toujours... Tu ne vas pas me dire que tu crois encore aux palabres jacobines sur les vertus civiques ? C’est passé ça, fini avec Robespierre ! Accorde-moi dix jours, vingt millions et dix portefeuilles de ministre et je t’achète toute la bande du Directoire et de la Convention ! Il y a bien moyen de faire taire un petit lieutenant. Ne te tracasse donc pas : nous arriverons à calmer le brave Fourès. A propos, tu le connais de près ?
     
    BERTHIER.
     
    Un peu.

     
    BONAPARTE.
     
    Et alors ?
     
    BERTHIER.
     
    Un brave type, coriace. On peut
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