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Un caprice de Bonaparte

Un caprice de Bonaparte

Titel: Un caprice de Bonaparte
Autoren: Stefan Zweig
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cher Fourès !

     
    FOURÈS.
     
    Je laisse ici ma jeune femme seule... Je sais bien que c’est une fille courageuse qui ne se mettra pas à pleurnicher quand je serai loin de ses jupons. Une femme de soldat n’ignore pas que son mari n’est qu’un prêt. Ce n’est donc pas que je sois inquiet : elle reste avec le régiment et je connais mes camarades... ils se feraient plutôt tuer que de lui manquer de respect ! Je sais qu’ils auront soin de la femme de leur lieutenant. ( Hésitant ) Mais il y a une chose qu’elle ne comprendra peut-être pas : mon brusque départ sans l’en aviser. Et elle pourrait le prendre en mal. Aussi, au nom de notre fraternité d’armes, puis-je vous demander, citoyen général, de bien lui expliquer qu’il s’agit d’une mission particulière, de lui dire que c’est un grand honneur pour un officier que d’en être chargé, qu’il ne peut guère en désirer de plus grand. Et d’appuyer surtout sur le fait que c’est le général en personne qui m’a désigné pour cette mission, ce qui lui inspirera le plus grand respect et lui suffira comme explication.
     
    BERTHIER, embarrassé.
     
    Mais bien entendu, cher Fourès, comptez sur moi !
     
    FOURÈS.
     
    Et dites-lui encore qu’il ne faut pas qu’elle se fasse de souci pour moi, que mes os sont encore bien en place et que je reviendrai bientôt. Et aussi qu’elle ne s’attriste pas de mon départ, mais qu’elle soit fière, au contraire, que le général a pensé à son Fourès là où il avait besoin d’un homme. Qu’elle ne se prive pas de quoi que ce soit pendant mon absence ( il sort une bourse de sa ceinture ). Toute ma solde. Qu’elle se donne du bon temps, j’en serai réjoui et si elle n’en avait pas assez, voici ma montre. Elle peut également vendre mon cheval... Je lui en donne l’autorisation.
     
    BERTHIER, à qui cette scène est très pénible, passe l’argent et la montre de la main droite dans la gauche.
     
    Inutile, Fourès, nous nous occuperons de votre femme...
     
    FOURÈS.
     
    Que voulez-vous que je fasse de cet argent ? Tout était pour elle. Je n’ai personne d’autre au monde... Oui... Et dites-lui encore que je suis fier d’elle parce que je la sais brave et fidèle... et que si loin que je sois, personne, rien ne pourra jamais nous séparer !
     
    BERTHIER, de plus en plus gêné, ne répond pas.
     
    FOURÈS, sans remarquer l’embarras de Berthier s’approche un peu plus de lui.
     
    C’est tout ce que j’avais à dire, citoyen général ! J’en ai cinquante kilos de moins sur le cœur à présent... Quand on n’a rien au monde que ses os, on est content de penser qu’il y a des camarades auxquels on peut se confier dans la peine. Et il y en a des camarades dans notre République ! Je sais qu’auprès de vous ma Bellilotte n’a rien à craindre. ( Très ému, il s’empare de la main de Berthier .) Oui, citoyen général, ça m’a fait du bien ! Je sens que je peux compter sur vous, que cen’est pas la peine de faire de grands discours... Que le diable m’emporte si jamais je l’oublie !
     
    BERTHIER, très embarrassé, ne sait où poser ses regards pendant que Fourès lui secoue la main avec émotion.
     
    FOURÈS, lâchant la main et sur un ton énergique.
     
    Oui, à présent tout droit en selle !... Veuillez bien communiquer au général en chef que le lieutenant Fourès est fier de sa confiance et qu’il préférera crever sept fois plutôt que de le décevoir !
     
    (Il salue militairement et sort.)
     
    BERTHIER, regarde crispé l’argent et la montre qu’il tient dans la main gauche, puis il ouvre un tiroir, y fourre le tout, le referme avec violence pris d’une colère subite.
     
    Dire qu’il faut se prêter à de pareilles histoires... Mais quand cet homme veut quelque chose, personne ne peut l’arrêter.
     
     
    Fin du premier acte.

DEUXIÈME ACTE

QUATRIÈME TABLEAU
    Quatorze jours plus tard. Même décor qu’au troisième tableau. Il est tard dans la nuit. Sur la table de travail des chandelles brûlent derrière des abat-jour verts, de sorte qu’elles ne projettent qu’un cercle étroit de lumière, le reste de la pièce est plongé dans une demi-obscurité.
     
    Berthier est installé au bureau, devant lui Bonaparte dictant. Sur le divan, Bellilotte, qui écoute silencieuse et immobile.
     
    BONAPARTE, dictant.
     
    Et maintenant les dernières : « Au Directoire ! » Plusieurs officiers supérieurs m’ont informé
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