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Un caprice de Bonaparte

Un caprice de Bonaparte

Titel: Un caprice de Bonaparte
Autoren: Stefan Zweig
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que leur état de santé ne leur permettait plus de servir dans ce pays. Comme notre nouvelle campagne ici commence dans quelques jours, je les ai autorisés à rentrer en France.
    Ces derniers jours sont partis vers vous plusieurs bateaux ayant à bord des courriers spéciaux. J’espère qu’une partie au moins arrivera à destination.
    On vient juste de m’annoncer l’arrivée d’un bateau de Raguse, m’apportant des lettres de Gênes et d’An-cône.Ce sont là les premières nouvelles qui nous parviennent d’Europe depuis huit mois. Je compte y trouver vos messages ou du moins des rapports sur la situation en Europe, afin de pouvoir ensuite prendre les dispositions nécessaires ici... ( Entre une ordonnance qui tend une lettre. Bonaparte la parcourt rapidement. L’ordonnance sort ; Bonaparte à Berthier .) Kléber a avancé chassant Ibrahim Bey par-delà les frontières. Presque pas de pertes chez nous. ( Il reprend sa dictée .)... Ordre à Menou de conclure immédiatement un accord avec les marchands de Damas pour la livraison de quarante uniformes et mille paires de souliers par jour. Faire le nécessaire aujourd’hui même, établir les comptes et préparer dès demain les montants afférents. Ordre exprès à Dupuy d’inspecter les boulangeries de campagne à Gizeh et de surveiller les moulins. Quoi encore ? Oui, ordre à Monge et à l’Académie de réquisitionner un bâtiment pouvant servir à l’installation d’une imprimerie pour l’arabe et le français et permettant l’établissement d’un laboratoire de physique et de chimie... Ordre au quartier-maître d’établir un tarif postal échelonné avec bureaux au Caire, à Alexandrie et à Damiette... Note pour l’inspection de l’arsenal : Tous les officiers d’état-major et d’artillerie, à partir des capitaines, au rapport à deux heures ! ( S’interrompant ) Assez pour aujourd’hui ! Les notes urgentes, tu t’en chargeras, les autres tu les passeras à Bourrienne. A présent va me chercher le rapport d’Alexandrie. Il est minuit : il y a longtemps qu’il doit être là.
     
    BERTHIER, jetant la plume.
     
    J’ai usé deux plumes. Tu ne m’as pas épargné, aujourd’hui...J’en aurai jusqu’à quatre heures du matin. Je vais chercher le rapport.
     
    (Il sort par la porte principale.)
     
    BONAPARTE, se tournant vers Bellilotte.
     
    Alors, mon agneau, tu ne dors toujours pas ? Trois heures de dictée et pas un mot pour toi ?
     
    BELLILOTTE.
     
    M’endormir ? Comment le pourrais-je ? Tout cela est tellement intéressant !
     
    BONAPARTE, de bonne humeur.
     
    Je ne vois vraiment pas ce qui peut t’intéresser dans ces rapports militaires...
     
    BELLILOTTE, sur un ton d’admiration timide.
     
    Le nombre de choses auxquelles tu dois penser. Tout ce qu’il y a à prévoir et à organiser dans une guerre ! Et se dire qu’un homme, un seul homme, peut mettre tout cela en mouvement ! Jamais je n’aurais pu me l’imaginer. ( Avec plus de force ) Nous autres, au quartier, on ne sait rien. On va et vient, on prend au magasin ce qu’il nous faut : du pain, des chaussures, des vêtements, comme si tout nous tombait du ciel. « Faut bien qu’il y en ait », se dit-on en s’approvisionnant. Mais que ce soit un seul qui pourvoie à tout, que tout vienne de toi seul, je le vois et le comprends seulement maintenant. ( Avec admiration ) Ça doit être magnifique de pouvoir ainsi agir pour tous... je ne peux pas bien m’exprimer... pour soi... au-dessus de tous... En grand...

     
    BONAPARTE sourit, ému et un peu gêné devant son admiration naïve.
     
    En grand ? Tu trouves ? Ici ? Disperser quelques bandes d’Arabes, conquérir quelques huttes. Que peut-on faire de grand dans ce tas de sable étroit qu’est l’Egypte ! Ici il en est passé d’autres avant moi ; César, Pompée, des khalifes et des pharaons ont vaincu des peuples, construit des villes... et qu’en est-il resté ? Rien ! Ici il n’y a toujours qu’un seul vainqueur : le sable ! Faudrait pouvoir aller aux Indes, avoir la mer, la Syrie, l’Arabie, le Bosphore... alors on pourrait bâtir un empire, créer un édifice qui reste. Mais ici ? Sache, mon amour, qu’il n’y a de grand que ce qui demeure, quelque chose qui vous survit, ne serait-ce qu’un nom ou un enfant. C’est là qu’il faut m’aider, petite Bellilotte ! Donne-moi un fils auquel je puisse laisser le fruit de mes efforts, un fils, un héritier ! ( Il la
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