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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer
Autoren: Gilbert Sinoué
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d’autoriser le Saint-Louis à accoster. Les visas, le décret, le « délai » non respecté ne furent, à n’en pas douter, que des prétextes.
    Quant à Berenson, il s’est retrouvé piégé dans un labyrinthe. Son manque de perspicacité, son excès d’assurance ne l’ont certainement pas aidé à se dégager de ce piège.
    STRICTEMENT CONFIDENTIEL
    À 11 h 25, aujourd’hui, Avra Warren, directeur de la section des visas au département d’État, m’a appelé de Washington pour me dire qu’il venait tout juste d’avoir une conversation téléphonique avec les responsables du Joint à New York. Ils lui ont expliqué que le gouvernement cubain exigeait à travers Berenson une garantie allant bien au-delà de deux cent cinquante mille dollars, et que la Maryland Casualty Company ne disposait pas sur place, à La Havane, de ce montant. Ils ont demandé à Warren s’il ne voyait pas un moyen d’offrir aux Cubains des garanties supplémentaires, sous une autre forme que financière. Warren a requis mon avis. Je lui ai dit qu’il valait mieux qu’il ne se mêle pas à cette affaire ; qu’il se garde bien de donner avis ou conseil, et lui ai recommandé de renvoyer les gens du Joint auprès de leur représentant à La Havane, c’est-à-dire, M. Lawrence Berenson. Et j’ai ajouté que s’il souhaitait être véritablement informé de l’état de la situation actuelle, il devrait lire le mémorandum que j’ai rédigé à propos de la rencontre entre l’ambassadeur, Berenson et moi-même qui s’est déroulée le dimanche 4 juin. À la fin de notre discussion, Warren a conclu en disant : « J’ai pigé. Nous allons rester en dehors de tout cela. »
    Coert du Bois
    Consul général des États-Unis
    STRICTEMENT CONFIDENTIEL
    À dix-huit heures ce même jour, Berenson m’a téléphoné chez moi pour demander à me voir de toute urgence. […] Il est arrivé quinze minutes plus tard et m’a montré une traduction de la déclaration faite par le secrétaire au Trésor, Ochtorena, et qui avait été publiée dans le courant de l’après-midi par deux journaux, Avance et Païs . La déclaration ne laissait planer aucun doute quant à la décision prise par le président cubain d’interdire aux passagers du Saint-Louis l’accès à Cuba. […] J’ai envoyé un domestique m’acheter les journaux en question et j’ai pu vérifier l’exactitude de la traduction. Berenson s’est alors lancé dans une sorte de monologue interminable. Je n’ai pu en retenir que les points suivants :
    1. Il n’a jamais eu l’occasion de voir Batista.
    2. Au cours de la visite que le colonel Benitez avait effectuée à son hôtel (visite que Mlle Razovsky m’a décrite comme étant formelle, et au cours de laquelle Benitez se serait plus ou moins excusé pour le comportement de son père [72] ), le colonel aurait fait part des exigences du président, à savoir le versement d’un montant entre quatre cent mille et cinq cent mille dollars […]. Seule, une lettre à en-tête du palais que Bustamente dit avoir vue, mais pas Berenson, prouvait que le rôle d’intermédiaire de Benitez était avéré.
    3. Berenson m’a dit que, durant tout le temps des négociations, il avait été harcelé par ses supérieurs de New York qui l’adjuraient de répondre en tout point aux demandes du président Brù, soulignant que l’argent serait à disposition. Berenson leur a répondu que si on le laissait travailler en paix, il pourrait leur économiser une somme considérable.
    Le reste du discours était incohérent, excessif et régulièrement ponctué d’obscénités. J’ai rapporté notre rendez-vous à l’ambassadeur aussitôt après le départ de l’avocat.
    Coert du Bois
    Consul général des États-Unis
     
    Le capitaine Schröder fut informé du dénouement par un câble expédié par Goldsmith. Il n’en divulgua pas le contenu au comité.
    À minuit dix, un second câble lui parvint. Cette fois, il était signé Claus-Gotfried Holthusen, le directeur de la Hapag à Hambourg. Son contenu était clair :
    RETOUR HAMBOURG SANS DÉLAI

Quatrième partie

20
    Mercredi 7 juin 1939
    Lorsque Schröder informa les membres du comité des passagers de l’ordre qu’il venait de recevoir, une expression incrédule envahit les visages. Ils venaient de prendre définitivement conscience d’une affreuse réalité : ils étaient vomis par le monde. Des pestiférés. Voilà ce qu’ils étaient.
    Pas plus que M
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