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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora
Autoren: Halter,Marek
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étrangers ?
    Et Miryam de m’attraper le bras pour me
reconduire à ma tente.
    — Qu’on ne t’entende plus ! Tu
souilles notre terre et nos oreilles ! Apprends une bonne fois où est ta
place.
    Par centaines puis par milliers, comme
Moïse ne redescendait toujours pas, ils sont venus devant Aaron en
suppliant :
    — Moïse a disparu ! Plus
personne ne nous conduit. Fais-nous des dieux que nous puissions voir, toucher
et admirer.
    Alors je les ai vus, ces milliers de
femmes et de filles, ces époux et amants, ces pères. Je les ai vus sortir leur
or, eux qui n’avaient rien. Je les ai vus fondre leurs bijoux dans le moule de
glaise modelé par Aaron. Je les ai vus rire et exulter quand le veau d’or a
pris forme, j’ai vu le front de Miryam ruisseler de sueur et de joie, j’ai vu
sa cicatrice palpiter de bonheur quand Aaron a dit devant la multitude :
    — Voici tes dieux, Israël !
    Oh oui ! je les ai vus danser et
jouir de la mort de Moïse. Je les ai vus, le visage et le corps rutilant comme
l’or qu’ils venaient de fondre, danser nus dans la nuit, et chanter et se
baiser, ouverts au feu de leurs entrailles et de leur peur, et se prosterner
devant Aaron et son veau d’or comme ils se prosternaient devant l’horreur de
Pharaon.
    Je n’avais plus de voix pour crier. Je
n’avais plus de mains pour retenir mes fils qui riaient d’un si grand feu,
d’une si belle fête où, eux aussi, ils voulaient jouer et ruisseler de plaisir.
    Je suppliais le Seigneur Yhwh :
    — Laisse redescendre Moïse !
Laisse redescendre Moïse !
    Josué, effaré autant que moi, a
dit :
    — J’y vais, je monte à sa
rencontre. Tant pis, ça me coûtera ce que ça me coûtera !
    Il n’a pas eu à monter haut. Moïse était
proche, qui déjà reniflait la puanteur de la faute. Je le vois, là, qui sort de
la nuée, qui descend le chemin resté vide depuis des lunes. Qui s’arrête et
découvre la folie de son peuple, découvre l’or du veau qui trône sur l’autel.
J’entends son grondement, ou est-ce le grondement d’Horeb ? Moi, j’appelle
Gershom et Eliezer.
    — Moïse est là, votre père est
là !
    Mon doigt le montre. Les enfants
bondissent et hurlent :
    — Mon père Moïse est de
retour !
    Ils courent vers le chemin pour le
rejoindre, ils s’enfoncent dans la foule en riant :
    — Notre père Moïse est redescendu
de la montagne ! La foule les entend et les engloutit. Elle ne s’ouvre pas
telle la mer devant le bâton de Moïse. Elle les engloutit. Elle ne s’ouvre pas
comme devant l’étrave de la pirogue de mon rêve. Elle forme une houle dense et
sombre et furieuse. Elle entend le grondement de Moïse et sa fureur. Elle prend
peur, broyant mes enfants menus. La foule entend la fureur de Yhwh et elle se
piétine en piétinant mes fils. Moi, je cours et je les appelle :
    — Gershom ! Eliezer !
    Mais là-haut, Moïse brise ce qu’il est
monté chercher près de son Dieu. Ici, la terre s’ouvre et prend feu. La foule
court sur le corps de mes fils. La foule s’enfuit d’effroi devant la terre qui
s’ouvre et engloutit son veau d’or. Elle court et piétine les fils de Moïse.
    Ce ne sont plus que deux petits corps de
sang que je presse contre ma poitrine en hurlant.
    Gershom et Eliezer.
    *
    *   *
    Ensuite, voici Moïse qui pleure et rage,
qui veut massacrer son peuple qui a tué ses fils.
    Il le fait. Il met les armes des
forgerons dans les mains des descendants d’Aaron, les fils de Lévi. Il
ordonne :
    — Tuez, les frères, les compagnons,
le prochain, tuez !
    Le camp est moite de sang comme si le
sang de mes fils le recouvrait d’une seule plaie.
    Moïse pleure dans mes bras, il pleure
contre ma poitrine encore ensanglantée par les corps de Gershom et d’Eliezer.
C’est la seconde fois que mon époux pleure contre moi. C’est la seconde fois
que je le marque du sang de ses fils. Je lui dis :
    — Remonte sur la montagne, remonte
près de ton Dieu et ne reviens pas les mains vides. Ton épouse est la faible d’entre
les faibles. Elle n’a pas même pu défendre ses fils. Elle est plus faible que
les esclaves que tu conduis. Elle a besoin des lois de ton Dieu pour respirer
et enfanter en paix. J’ai besoin des lois de ton Dieu pour que Miryam ne me
conspue pas. L’étranger a besoin des lois pour n’être pas réduit au seul rôle
d’étranger. Retourne, Moïse. Retourne pour tes fils. Retourne pour moi.
Retourne, oh mon époux ! pour que le faible
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