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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora
Autoren: Halter,Marek
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d’être heureux.
Et tous, comme Eliezer et Gershom, d’avoir envie d’entendre encore et encore
les prodiges qu’accomplissait mon époux. Tous de me dire :
    — Bientôt, tu seras reine tout
autant qu’Orma. Et même une plus grande reine.
    À quoi je répondais :
    — Moïse n’est ni un roi ni un
prince. Moïse est la voix de son Dieu pour son peuple. Et moi, je suis ici.
    Un jour, cependant, Eliezer, qui
commençait à bien savoir user des mots, demanda :
    — Comment il est, mon père
Moïse ? Il est comme toi, grand-père ? Tout vieux et tout blanc, ou
il est comme maman, tout noir et sans barbe ?
    Les servantes en pleurèrent de rire.
J’en pleurai sans rire.
    Jethro avait dit vrai. Le temps de Yhwh
œuvrait. Moïse accomplissait sa tâche. Mais ce temps était long. L’absence de
Moïse si longue que mon fils ne savait plus quel était le visage de son père.
    Dans tous les prodiges que réalisait
Moïse, il en était un que je n’entendais pas s’accomplir : que nous
puissions enfin être réunis. Que je puisse à nouveau baiser son cou comme
j’aimais tant le faire. Que je puisse le voir tenir ses fils contre sa
poitrine.
    *
    *   *
    À la fin de l’hiver suivant, une
nouvelle arriva, plus formidable que celles qui l’avaient précédée.
    Les esclaves d’Égypte s’étaient enfin
mis en marche. Ils avaient quitté les mares de boue et les villages. Par
milliers et milliers. Hommes et femmes de tous âges, les forts et les faibles,
tous, tout le peuple des fils d’Israël ! Et même les autres esclaves,
capturés dans les conquêtes, car, désormais, les chantiers de Pharaon étaient
silencieux comme si le temps s’était arrêté.
    Moïse avait conduit ces milliers d’êtres
vers la mer des Joncs. Thoutmès avait lancé son armée à leur poursuite.
Lorsqu’ils étaient parvenus sur la rive, la tempête menaçait et les lances des
soldats de Pharaon étaient déjà visibles dans les vallées conduisant à la mer.
Alors Moïse avait plongé son bâton dans les vagues.
    Les flots s’étaient ouverts devant lui.
La mer des Joncs tranchée en deux, voilà ce qui était arrivé ! Les vagues
arrêtées, le fond de la mer devenu chemin jusqu’à l’autre rive !
    Les milliers et les milliers d’esclaves
qui suivaient Moïse s’y précipitèrent. Arrivés de l’autre côté, ils virent les
flots se réunir et engloutir les chars de guerre de Pharaon. Ils étaient
libres !
    La pensée ne m’en était plus venue
depuis des années et des années.
    J’ai vu mon rêve. J’ai vu la mer
s’ouvrir devant moi, la pirogue s’enfoncer entre les immenses murs liquides.
J’ai vu les falaises d’eau qui menaçaient de se rejoindre, tels les bords d’une
plaie, et de m’engloutir.
    Et j’ai vu, dans le fond de la mer mise
à sec, l’homme qui me tendait les bras et me redonnait le souffle que les flots
voulaient me prendre. Moïse, que je ne savais pas encore être Moïse.
    Celui que le Seigneur Yhwh allait
désigner pour rendre le souffle de la liberté à son peuple.
    Mon père Jethro me surveillait. Il vit
mon regard, mon corps qui tremblait, mes mains qui pétrissaient les épaules de
mes fils. Il devinait mes pensées.
    Il dit doucement :
    — Ne te l’avais-je pas
assuré ? Voilà, ils sont en route. Yhwh pousse le temps. Bientôt, nous
aurons d’autres nouvelles. C’est une autre histoire qui commence.
    Des larmes glissaient de ses paupières,
roulaient dans ses rides et disparaissaient dans sa barbe. Il dit encore :
    — Demain, nous irons voir la mer.
Je veux voir si elle a quelque chose de changé.
    Mais avant de parvenir aux falaises où
j’avais tant de souvenirs, nous aperçûmes un homme enveloppé dans un manteau de
grosse laine que la poussière épaississait encore. Un capuchon tiré sur son front
lui masquait le visage. À grands coups de talons il faisait trotter un âne
fourbu. On songea à un malandrin esseulé. Mais quand il me vit avec Gershom et
Eliezer, l’homme sauta à bas de son âne pour se précipiter vers moi.
    — Tsippora !
    Son capuchon bascula dans son dos.
    — Tsippora !
    Il criait et agitait les bras. Je
reconnus la voix avant le visage, qu’il avait maigre, la barbe collée par la
poussière et les embruns.
    — Josué ! Josué !
    Quand il me serra contre lui, dans nos
rires, c’est la promesse du corps de Moïse qui me fit trembler.

 
Les jours de tumulte et de sang
    Alors commencèrent les jours de tumulte
et de
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